Le modèle britannique et son influence
THEME 3
L'Etat à l'époque moderne : France et Angleterre

Charles Ier répond à ses juges

L'acte d'accusation du Parlement
« Ledit Charles Stuart, admis au trône d'Angleterre, avait été en conséquence investi d'un pouvoir limité pour gouverner par et selon les lois du pays (…) pour le bien et l'avantage du peuple, et pour la conversion de ses droits et libertés ; néanmoins, dans l'intention perverse d’ériger en sa personne un pouvoir illimité et tyrannique (…), et de détruire les droits et libertés du peuple, (…) Charles Stuart (…) a traîtreusement et malicieusement pris les armes contre le présent Parlement et le peuple qu'il représente (…). Et cette guerre cruelle et dénaturée (…) a causé l'effusion du sang innocent de beaucoup d'hommes libres dans la nation et la ruine de nombreuses familles, a épuisé le Trésor public (…). »
La réponse du roi
« Rappelez-vous que je suis votre roi, votre roi légitime ; songez quels péchés vous amassez sur vos têtes (…). Je vous dis que l'Angleterre n'a jamais été un royaume électif ; qu’elle est depuis près de 1000 ans un royaume héréditaire (…). C'est à moi de défendre la liberté de mon peuple plus qu’à aucun de ceux qui sont venus ici pour être mes prétendus juges. Faites-moi connaître par quelle autorité légitime, je suis ici et je vous répondrai. Autrement, je ne répondrai pas (…). »

Compte rendu du procès de Charles Stuart, audience du 20 janvier 1649


L’exécution de Charles 1er vue par un royaliste, 30 janvier 1649

Peinture attribuée à John Weesop, L’exécution de Charles 1er, 1649, collection privée

La guerre civile, un risque permanent

Le philosophe anglais, Thomas Hobbes écrit ce traité dans les années 1640 au moment de la guerre civile anglaise et de la guerre de Trente ans (1618-1648) qui divise l'Europe continentale. Cela peut expliquer son profond pessimisme sur la nature humaine et sa vision de l'Etat.
Aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun (…). On dit qu'une République (1) est instituée lorsqu'un grand nombre d'hommes réalisent un accord et passe une convention (chacun avec chacun) comme quoi, quels que soient l'homme ou l'assemblée d'hommes auxquels la majorité d'entre eux a donné le droit de représenter leur personne à tous (c'est-à-dire d'être leur représentant) ; chacun, aussi bien celui qui a voté pour que celui qui a voté contre, autorisera toutes les actions et tous les jugements de cet homme ou de cette assemblée d'hommes, de la même manière que si c'étaient les siens - cette convention étant destinée à leur permettre de vivre paisiblement entre eux et d'être protégés.
Thomas Hobbes, Léviathan, 1651
(1) Le mot est entendu ici comme synonyme d'Etat

Olivier Cromwell, chef militaire et dictateur
Anonyme, Portrait d'olivier Cromwell en armure, XVIIème siècle, collection particulière
Cromwell dirige l'armée parlementaire qui arrête Charles 1er. Fort de sa popularité, il devient l'un des dirigeants de la République (1649-1653). Face au désordre, il met en place une dictature jusqu'à sa mort (1653-1658)
Gilbert Burnet dresse le portrait de Charles II
.Il ne se regarderait pas comme roi, disait-il, tant que des individus réunis en Assemblée s'occuperaient de ses affaires et éplucheraient ses comptes et les actes de ses ministres (…). Lorsqu'il parlait sans contrainte, il ne pouvait s'empêcher de se prononcer contre la liberté que se donnait tout le monde d'examiner les matières de religion, car de l'examen des matières religieuses on passe à celles des matières politiques (…). Ses observations sur le gouvernement de France l'avaient amené à ce sentiment qu'un roi dont la puissance était limitée et dont les ministres étaient responsables devant un Parlement n'était roi que de nom.
Gilbert Burnet, historien et théologien écossais (1643-1715), Histoire de mon temps (publié en 1724 par son fils)

Portrait de Charles II (1660-1685)
Thomas Hawker, vers 1680, National Portrait Gallery, Londres

Charles II Stuart est rappelé sur le trône en 1660 après le rétablissement de la monarchie par le Parlement

Le Bill of test (1673)

Les officiers du roi (ceux qui exercent une fonction publique) doivent prêter le serment suivant

"Je professe, témoigne et déclare de tout mon cœur, en présence de Dieu tout-puissant, que je ne crois ; en ma conscience, que l'Eglise romaine soit la seule église catholique et universelle du Christ, hors de laquelle il n’y ait point de salut ; ou que le pape ait aucune juridiction ou suprématie sur l'Eglise catholique en général, ni sur moi en particulier ; ou qu'il appartienne à l'Eglise romaine seule de juger du sens et del'interprétation des Saintes écritures (…) ; que je ne crois point que la Vierge Marie ou aucun autre saint, doivent être adorés ou servis, ni qu'on doive leur adresser des prières. Je renonce et désavoue toutes les doctrines et propositions ci-dessus, comme fausses, erronées, et contraires à la parole de Dieu et à la religion

Charles II puis son frère et successeur Jacques II, ont accordé à leurs partisans, catholiques, de nombreuses dispenses du serment. Ces dispenses, combattues par le Parlement, ont contribué fortement à la révolution de 1688 qui renversa Jacques II.

L'Habeas Corpus, une loi contre les arrestations arbitraires

Le Parlement anglais adopte la loi d'Habeas corpus (littéralement « ton corps t'appartient ») limitant la détention provisoire arbitraire.

Beaucoup de sujets du roi ont été longtemps retenus en prison dans des cas où légalement ils sont libérables sous caution (…). Pour prévenir ceci, qu’il soit édicter par Sa Très Excellente Majesté le Roi, par et avec le conseil et le consentement des Lords spirituels et temporels ainsi que des Communes en ce présent Parlement assemblés, (…) que chaque fois qu'une ou des personnes produira ou produiront une ordonnance d'habeas corpus adressée à un ou des shérifs, que lesdits officiers (…), dans les trois jours qui suivent la
présentation de ladite ordonnance, renvoie ladite ordonnance et amènent ou fassent amener en personne l'individu en cause, (…), devant les juges (…) d'où émane ladite ordonnance ; et alors certifient les vraies causes de sa détention ou de son emprisonnement ; et sur quoi, dans les deux jours qui suivront la présentation de l'intéressé devant eux, ledit (…) juge (…) devra libérer ledit prisonnier de son emprisonnement, après avoir pris son engagement assorti d'une ou de plusieurs cautions, à moins qu'il n'apparaisse que l'intéressé ainsi emprisonné est détenu en vertu d'une procédure légale.
Parlement d'Angleterre, Loi d'Habeas Corpus pour mieux garantir la liberté des sujets, 1679

La Glorieuse révolution (1688) vue par un officier de marine français

Il y avait longtemps que les protestants d'Angleterre avaient pris de violents ombrages au sujet de la protection que le roi Jacques II accordé aux catholiques : ils craignaient que ce prince, après avoir aboli peu à peu les différents édits rendus en divers temps contre la communion romaine, ne la rendit enfin dominante dans ses Etats. Résolus de tout tenter pour parer ce coup, ils envoyèrent secrètement leurs députés en Hollande pour traiter avec le prince d'Orange et lui offrir le royaume de la Grande-Bretagne s’il voulait les protéger (…). Londres, les provinces, les armées de terre et de mer, tout se déclara pour lui (…). Alors le roi, ne voyant plus de sûreté pour personne, céda à l'orage, et passa en France, attendant un temps plus favorable pour repasser en Angleterre, et y faire valoir ses droits l'épée à la main. Ainsi s'acheva cette grande révolution, qui donna lieu à la guerre que le roi déclara d'abord à l’Empereur et aux Hollandais.

Comte de Forbin, Mémoires,1730


La Glorieuse Révolution, un événement qui a marqué les Anglais

Anonyme, Jeu de caartes illustrant la Révolution de 1688, vers 1688-1689, Londres, British Museum

Le Bill of right (Déclaration des droits), 1689
Guillaume III et Marie deviennent roi et reine à condition d'accepter la Déclaration des droits.
Les Lords spirituels et temporels et les Communes, présentement assemblés, forment une représentation complète et libre de la Nation (…) déclarent en premier lieu, suivant l'exemple de leurs ancêtres, afin de justifier et soutenir leurs anciens droits et libertés (1) :
1. Que le prétendu pouvoir de suspendre les lois ou l'exécution des lois par l'autorité royale, sans le consentement du Parlement, est illégal.
2. Que le prétend pouvoir de l'autorité royale de dispenser des lois ou de l'exécution des lois, comme il a été usurpé et exercé par le passé, est illégal (…).
4. Que toute levée d'argent pour l'usage de la Couronne, sous prétexte de la prérogative royale, sans le consentement du Parlement, est illégale.
5. Que c'est un droit des sujets de présenter des pétitions au Roi, et que tous les emprisonnements et toutes poursuites pour de telles pétitions sont illégaux.
6. Que la levée et l'entretien d'une armée dans le royaume en temps de paix, sans le consentement du Parlement, est contraire aux lois (…).
8. Que les élections des membres du Parlement doivent être libres.
9. Que la liberté de la parole, y compris celle des débats au sein du Parlement, ne peut être poursuivie par aucune cour de justice, ni dans aucun lieu, en dehors du Parlement.
10. Qu'on ne doit point exiger en justice des cautionnements excessifs, ni imposer des amendes excessives, ni infliger des peines cruelles et inusitées (…).
13. Que pour remédier à tous les griefs, et pour amender, fortifier et maintenir les lois, il est nécessaire de réunir fréquemment le Parlement.
Parlement d'Angleterre, Bill of Rights,13 février 1689
(1) Droits du Parlement, fixés progressivement depuis la Grande Charte de 1215
Organigramme des pouvoirs après 1288
 
Des élections sous influence
William Hogarth, Le vote, 1754-1755, Londres, Sir John Soane's Museum

Au XVIIIème siècle, le vote n'est pas secret et se déroule sur plusieurs jours. Les électeurs subissent des pressions de la part des candidats, placés ici sous les drapeaux de leur parti politique