H7 : L'immigration
THEME 3 :
LA TROISIEME REPUBLIQUE AVANT 1914 : UN REGIME POLITIQUE; UN EMPIRE COLONIAL

Chapitre 8 :
Permanences et mutations de la société française jusqu'en 1914
Les mineurs étrangers
[Étienne apprend quelque temps après l'arrivée des mineurs belges] On m'a dit que le petit Négrel était parti en Belgique chez les Borains (1). Ah ! nom de Dieu, nous sommes fichus, si c'est vrai ! (...). Qu'ils fassent donc descendre les Borains, s'ils veulent que nous démolissons les fosses ! D'un air gêné, Étienne expliqua [au Maheu] qu'on ne pouvait pas bouger, que les soldats qui gardaient les fosses protégeraient la descente des ouvriers belges (...). Aussi voyait-il rouge, à l'idée de cette injure, de ces étrangers qu'on menaçait d'y introduire (...). A mort les Borains ! Pas d'étrangers chez nous ! à mort ! à mort ! Tous se ruaient, il fallut qu’Étienne les arrêtât.
Emile Zola, Germinal, 1885
(1) Personnes originaires du Borinage, une région belge
La crainte d'une concurrence de la main d’œuvre étrangère
Léon Mirman (1865-1941) est député socialiste de la Marne entre 1893 et 1905.
« Chaque jour plus nombreux, les ouvriers étrangers viennent faire concurrence à la main-d'œuvre nationale, les uns sans esprit de retour, […] les autres infiniment plus nombreux, dans l'idée d'y réunir quelque argent qu'ils remporteront ensuite dans leur pays natal. Les uns et les autres […] – venus en France sans famille, vivant en commun, s'imposant de lourdes privations qu'un homme ne peut supporter que pendant un temps limité, acceptant un surmenage anormal – peuvent sur le marché du travail offrir leur travail à des prix absolument inférieurs qui tendent à maintenir à un niveau inférieur aussi le taux général des salaires.
Cette influence se fait sentir dans de nombreuses régions de notre pays, en particulier, cela va de soi, dans les provinces frontières, dans le Nord et le Nord-Est, où Belges et Luxembourgeois affluent, dans le Sud et le Sud-Est où Italiens et Espagnols pullulent.
Nous demandons que, dans toute industrie, les ouvriers étrangers ne puissent être embauchés à des salaires inférieurs aux salaires français […]. J'ajoute que cette disposition devrait avoir, à mes yeux, pour nécessaire conséquence, celle-ci : qu'en cas de grève, un patron ne pourrait embaucher plus d'ouvriers qu'il n'en employait avant l'ouverture du conflit. »
Léon Mirman, La Voix du peuple, 12 mars 1898.
Les immigrés, victimes de la violence xénophobe
Illustration du massacre des ouvriers italiens, 1893
En août 1893, des ouvriers français attaquent les travailleurs italiens employés dans les marais salants d'Aigues-Mortes. Le bilan s'établit à 17 morts et 150 blessés parmi les immigrés.
 
Un jugement sur la main d’œuvre étrangère en 1914
Depuis 5 ou 10 ans environ, les mines manquant de main d'oeuvre locale pour leurs exploitations toujours grandissantes, ont fait appel à un grand nombre d'étrangers venus parfois de loin. La Belgique, ce réservoir d'hommes pour nos entreprises agricoles et industrielles, apporta un formidable contingent. Ce n'était pas encore assez. Alors les compagnies s'adressèrent par-delà les monts, par-delà les mers, à toutes les races pauvres et malheureuses qui, à l'instar des lapins, ont multiplié leurs rejetons sans souci de possibilité de les nourrir. Et les Allemands, les Italiens, les Espagnols arrivèrent de leurs contrées sans fortune vers nos plaines du Nord et du Pas-de-Calais où la mine les dévora (...). C'est un étonnement unanime dans les corons que la saleté de la plupart de ces étrangers, surtout des gens venus du Midi (...). La venue de ces étrangers a coïncidé avec un recrudescence des rixes et des incidents de violence (...). La police de la région minière devient une des plus difficiles qui soit à assumer.
Alex Witt, "Les étrangers dans le Pays Noir", article paru dans le journal Le Réveil du Nord, mars 1914