Document général : Chronologie
1838 : Les établissements Schneider produisent leur première locomotive
1870 : Début de la production d'acier
1875 : Décès d’Eugène Ier, remplacé par son fils Henri
1876 : Construction du premier marteau-pilon à vapeur
1895 : Début de la production de matériel électrique
1896 : Mise en service d'une presse hydraulique de 10 000 tonnes, la plus puissante du monde
1897 : Début de la production d'artillerie pour l'armée française
1898 : Décès d'Henri, remplacé par son fils Eugène II
1913 : Le Creusot compte 36 000 habitants dont 11 000 travaillent dans les usines Schneider
Le Creusot : un bagne industriel
Ouvrier dans les usines du Creusot à l'âge de 13 ans, Jean-Baptiste Dumay, socialiste et syndicaliste, en est chassé à 18 ans pour avoir tenté d'organiser une grève. Après plusieurs années d'exil, notamment en Suisse, il est élu député en 1889.
Le Creusot étant un modèle des mieux réussis en ce genre de bagnes industriels, où les ouvriers sont enrégimentés, logés, numéroté et surtout surveillés, non seulement dans leur fonction de producteur, mais encore dans leur vie privée, intime, nous croirions manquer à notre devoir de socialiste si, dans un moment où la question sociale passionne tout le monde, nous ne venions pas dévoiler au public l'organisation tyrannique de cette grande Compagnie (…). C'est ainsi que prières, catéchisme, histoire sainte, messe, confession, communion, tout ce qui enfin peut abrutir la jeunesse, fait partie intégrante du programme des écoles, et nul n'est admis en apprentissage s'il n'a pas fait sa première communion (…).
Un ouvrier en difficultés avec les patrons a autant à craindre pour les siens que pour lui, vu qu'il n'est pas rare que toute une famille soit renvoyée des ateliers, parce qu'un fils ou un frère a voulu secouer le joug. […] Si les ouvriers du Creusot ne peuvent manifester leurs opinions politiques sans crainte de perdre leur travail, il en est de même au point de vue religieux […] aussi a-t-on vu des jeunes gens renvoyés de l'usine […] pour avoir chanté des chansons anticléricales. […] La caisse de secours aux malades et blessés est encore une de ces œuvres philanthropiques dont on fait honneur aux patrons, […] et qui, en définitive, sont payées par les ouvriers. […] L'institution [des] retraites […], correspond précisément à l'énorme baisse des salaires des années suivantes. »
Ajoutons à tous ces moyens de domination, qu'un grand nombre d'ouvriers et de commerçants sont locataires de la Compagnie, et en cas de départ, il faut vider le local en même temps que l'atelier, mais c'est là le moindre des inconvénients, une fois le départ résolu (…). La plupart des commerçants et ouvriers établis en ville n’osent pas, pas plus que les ouvriers de l'usine, professer d'autres opinions politiques que celles de M. Schneider.
Jean-Baptiste Dumay, Un fief capitaliste, Le Creusot, 1891