H7 Le Creusot
THEME 3 :
LA TROISIEME REPUBLIQUE AVANT 1914 : UN REGIME DEMOCRAITQUE, UN EMPIRE COLONIAL

Chapitre 8 :
Permanences et mutations de la société française jusqu'en 1914

Document général : Chronologie

1838 : Les établissements Schneider produisent leur première locomotive

1870 : Début de la production d'acier

1875 : Décès d’Eugène Ier, remplacé par son fils Henri

1876 : Construction du premier marteau-pilon à vapeur

1895 : Début de la production de matériel électrique

1896 : Mise en service d'une presse hydraulique de 10 000 tonnes, la plus puissante du monde

1897 : Début de la production d'artillerie pour l'armée française

1898 : Décès d'Henri, remplacé par son fils Eugène II

1913 : Le Creusot compte 36 000 habitants dont 11 000 travaillent dans les usines Schneider

La famille Schneider : une dynastie de grands industriels
 

L'entreprise vue par son patron et par un ouvrier
Journaliste au Figaro, Jules Huret enquête au Creusot où il interroge Henri Schneider, fils du fondateur de l'entreprise, qui la dirige entre 1875 et 1898, ainsi qu'un ouvrier.
« Jules Huret. – Est-il indispensable que ce directeur en absorbe à lui seul tous les bénéfices ? […]
Henri Schneider. – Le capital […] qui alimente tous les jours les usines […] nourrit l'ouvrier lui-même ! […]. La production dépend de la mode […], demain, ce mouvement peut s'arrêter […]. Sans emploi du jour au lendemain ; ils viendraient faire la queue à la porte des usines, offrir leurs bras au rabais ; ça ferait baisser les salaires. […]
J. H. – L'intervention de l'État ? […]
H. S. : Très mauvaise ! Je n'admets pas du tout un préfet dans les grèves ; c'est comme la réglementation du travail des femmes, des enfants ; on met des entraves inutiles, trop étroites, nuisibles surtout aux intéressés qu'on veut défendre, on décourage les patrons de les employer.
J. H., à l'ouvrier : Si vous tombiez malade pourtant ?
L'ouvrier : Oh, faut espérer que non […] ! Qu'est-ce que je ferais avec les quarante sous de la compagnie ? […] [À propos de M. Schneider] On vote pour lui […] pourtant il n'en manque pas des ouvriers qui voudraient bien ne pas faire comme les autres. Mais ils n'osent pas ! […] Si les mioches pouvaient manger tout leur saoul ! Si on n'était pas si fatigué ! […] La retraite, c'est joli, mais il n'y en a pas tant, allez, qui arrivent à soixante ans avec des métiers pareils ! »
Jules Huret, Enquête sur la question sociale en Europe, 1897.
Le marteau-pilon, emblème de la gloire industrielle
Joseph-Fortuné Layraud, Le Marteau-pilon, forges et aciéries de Saint-Chamond ; sortie d'une pièce de marine, huile sur toile, 151 x 254 cm, 1889. Écomusée Creusot Montceau.
A partir de 1877, Le Creusot utilise le marteau-pilon le plus puissant du monde, qui permet de forger de très larges pièces d'acier, pour fabriquer rails de chemin de fer, coques de navires ou canons
 
1892 : le patron des usines Schneider parle de ses ouvriers et du socialisme
Capitalisme, socialisme, inégalités... En août 1892, le puissant Henri Schneider, patron des usines du Creusot et adepte du paternalisme industriel, répond sans détour aux questions de Jules Huret qui l'interroge pour Le Figaro.
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Vue du Creusot
Les Ateliers du Creusot et le château de la Verrerie, gravure colorée, 1847, Écomusée du Creusot
1. Le Château de la Verrerie, demeure des Schneider (ancienne cristallerie de Marie-Antoinette)
2. L'église Saint-Laurent fondée par les Schneider
3. Le premier bâtiment de l'usine du Creusot
4. La forge et les ateliers de construction (bâtiment principal)
5. Le canal qui permet l'acheminement au Creusot du charbon et du fer (jusqu'à l'arrivée du chemin de fer en 1860)
6. Les cités ouvrières construites par les Schneider
 
L'entreprise Schneider en 1870
 

L’usine du Creusot

“Entrons dans l’usine de MM. Schneider. Quelle féérie ! C’est le royaume du Fer où règne sa Majesté le feu ! Du Feu ! on en voit partout (...). Les machines voraces mangent ce feu, ce fer rouge, le broient, le coupent, le scient, l’aplatissent, le filent, le tordent, en font des locomotives, des navires, des canons, mille choses diverses, fines comme des ciselures d’artistes, monstrueuses comme des œuvres de géants (...). Et toujours un bruit formidable et régulier dominant le tumulte des roues, des chaudières, des enclumes, des mécaniques de toutes sortes, fait trembler le sol. C’est le gros pilon du Creusot qui travaille. Il est au bout d’un immense bâtiment qui en contient 10 ou 12 autres (...). Lui, le gros, il pèse 100 000 kilos, et tombe, comme tomberait une montagne, sur un morceau d’acier rouge plus énorme encore que lui (...). Et nous entrons dans la galerie des laminoirs, c’est ici un spectacle plus étrange encore. Des serpents rouges courent par terre (...). Impuissante, la masse rougie, opaque et carrée de Bessemer s’étend sous l’effort des mécaniques et, en quelques secondes, devient un rail. Une scie géante la coupe à sa longueur exacte, et d’autres suivent sans fin, sans que rien arrête ou ralentisse le formidable travail.

Guy de Maupassant, Gil Blas, numéro du 28 août 1883