Exposition 7 :
Les évolutions de la République française depuis les années 1990
“Foulards de Creil” : le début de la discorde sur le voile | Franceinfo INA
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Discours de Jacques Chirac le 17 décembre 2003
J'aiconsulté. J'ai étudié le rapport de la Commission Stasi. J'ai examiné lesarguments de la mission de l'Assemblée nationale, des partis politiques, desautorités religieuses, des grands représentants des grands courants de pensée.
En conscience, j'estime que le port de tenues ou de signes qui manifestentostensiblement l'appartenance religieuse doit être proscrit dans les écoles,les collèges et les lycées publics. Les signes discrets par exemple une croix,une étoile de David ou une main de Fatima, resteront naturellement possibles.En revanche, les signes ostensibles, c'est-à-dire ceux dont le port conduit àse faire remarquer et reconnaître immédiatement à travers son appartenancereligieuse, ne sauraient être admis. Ceux-là - le voile islamique, quel quesoit le nom qu'on lui donne, la kippa ou une croix manifestement de dimensionexcessive – n’ont pas à leur place dans les enceintes des écoles publiques. L'école publique restera laïque.
Pour cela, une loi est évidemment nécessaire. Je souhaite qu'elle soit adoptée parle Parlement et qu'elle soit pleinement mise en œuvre dès la rentrée prochaine. Dès maintenant, je demande au gouvernement de poursuivre son dialogue notammentavec les autorités religieuses et d'engager une démarche d'explication, demédiation et de pédagogie.
Notre objectif, c'est d'ouvrir les esprits et les cœurs. C'est de faire comprendre aux jeunes concernés les enjeux de la situation et de les protéger contre les influences et les passions qui, loin de les libérer ou de leur permettre d'affirmer leur libre arbitre, les contraignent ou les menacent.
De 1989 à la loi sur la laïcité du 15 mars 2004
«Tout commence le 18 septembre 1989 […]. À Creil, dans l’Oise, le proviseur du collège Gabriel-Havez a décidé d’exclure Leila, Fatima et Samira, trois jeunes filles qui refusent d’ôter le foulard qui leur couvre les cheveux en classe. En quelques jours, et contre toute attente, ce bout de tissu dont personne ne par-lait jusque-là est au centre de tous les débats […]. Le principal du collège de Creil […] estime que le voile est une marque religieuse incompatible avec le bon fonctionnement d’un établissement scolaire laïc […]. Deux camps se font face: faut-il, oui ou non, autoriser le port du voile à l’école publique […] Le 9 octobre, les trois élèves […] peuvent retourner au collège à la suite d’un accord entre les parents
et l’établissement qui leur permet de mettre leur foulard dès la sortie des cours, et de le retirer avant d’y entrer. Mais les jeunes filles sont également tenues de cesser "tout prosélytisme religieux à l’intérieur du collège et de mettre un frein à leur comportement agressif, notamment à l’encontre des élèves musulmans moins stricts qu’elles dans l’application de la loi coranique". […]
Finalement, en mars 2004, un projet de loi porté par Jacques Chirac et interdisant les signes
religieux ostensibles dans les établissements scolaires est adopté. Concrètement, le voile islamique, la kippa ou les grandes croix sont interdits. Mais les petites croix, les étoiles de David ou les mains de Fatma sont autorisées (1)
Yohan Blavignat, «L’affaire des "foulards de Creil": la République laïque face au voile islamique», Le Figaro, 27 juillet 2018.

1. L’article 1 de la loi stipule que «dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent o
 
Manifestation du 2 octobre 2004 à Strasbourg contre la loi sur la laïcité à l'école
Frederick Florin/AFP
Les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ne sont pas concernés par la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État. Mais la loi de 2004 s'y applique
 
La Loi de 2004 dans les faits

Ils se sont présentés hier au lycée Louise-Michel de Bobigny, espérant pouvoir suivre les cours de la journée. Peine perdue. Les trois élèves sikhs(1) du lycée ont dû quitter l'établissement à la demande du proviseur. Le dispositif de la loi sur la laïcité prévoit pourtant que les élèves qui porteraient un signe ostensible d'appartenance religieuse à la rentrée seraient accueillis dans les écoles. Pas en salle de classe, mais ailleurs dans l'établissement, le temps qu'un « dialogue » s'instaure avec les jeunes et leurs familles. La mise à l'écart des élèves sikhs de Bobigny, invités purement et simplement à rentrer chez eux, symbolise la confusion qui règne à leur encontre dans les établissements scolaires.

[…] « Dans un courrier daté du 10 mai, le Premier ministre nous avait donné des garanties sur la scolarisation de nos enfants, commente Karmvir Singh, très amer. » […] Une interprétation que réfute aujourd'hui le ministère de l'Éducation nationale : « La loi s'applique à tous, sans distinction. » Mais elle n'interdit que les signes ostensibles, et cette nuance place également les chefs d'établissement dans l'embarras : s'ils acceptaient d'accueillir les turbans sikhs, que dire aux élèves musulmanes qui ne manqueront pas de demander pourquoi le turban et pas le foulard ?

« On ne peut pas faire deux poids, deux mesures, commente Daniel Robin, responsable des questions de laïcité au Snes (syndicat majoritaire dans le secondaire). Mais c'est toute la contradiction de cette loi, faite pour interdire le foulard à l'école, sans l'assumer. Pour se prémunir du caractère ségrégationniste du texte, on y a intégré les kippas, les grandes croix, etc. Or, le cas des sikhs est inextricable. »

Dans le sikhisme, rappellent les maîtres du temple, « le symbole religieux n'est pas le turban, mais les cheveux qui sont dessous ». Et les sikhs ont interdiction de se les couper. Quand l'enfant grandit, ses cheveux sont nattés, montés en chignon puis couverts par un turban. « Il est impensable pour nous de vivre sans turban », expliquent les sikhs.

[…] Un responsable de la communauté s'indigne : « Cette loi française, totalement discriminatoire, contrarie les pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques ratifiés par la France. Nous tenterons tous les recours possibles. »

Marie-Joëlle Gros, « À Bobigny, trois lycéens sikhs mis au ban pour un turban », Libération, 7 septembre 2004.
La charte de la laïcité (2013)
En cette rentrée, […] c’est une "charte de la laïcité" que le ministre de l’Éducation (1) a présentée […] et qu’il veut voir affichée dans tous les établissements scolaires. […] Il a affirmé que la laïcité est "un combat non pas pour opposer les uns et les autres, mais un combat contre ceux qui veulent opposer les uns et les autres". […]"La question de la laïcité ne doit pas tourner à l’obsession de l’islam, […] la très grande majorité de nos compatriotes musulmans est convaincue des bienfaits de la laïcité." […] Pour certains élèves, qui se font le relais de ce qu’ils vivent, la loi religieuse prime, à l’école, sur la loi de la République. Ces difficultés se nouent surtout autour de certaines disciplines, certains points du programme. L’étude de textes religieux en 6ème ou en 5ème, l’enseignement de l’histoire de la Shoah en 3e et en 1ère, le conflit israélo-palestinien au lycée. En biologie, les cours sur l’évolution, sur la sexualité. En sport, à la piscine, en arts plastiques, mais aussi hors de la classe, à la cantine, dans la cour de récréation, lors de voyages scolaires […] et ce toutes religions confondues. […] "Recrudescence? Diminution? Je n’ai pas la réponse, affirme Dominique Borne, doyen honoraire de l’Inspection générale de l’Éducation nationale. Si les pratiques religieuses continuent de décroître, des extrémismes s’affirment."»
Mattea Battaglia, «Face aux communautarismes, Vincent Peillon présente sa "charte de la laïcité"», Le Monde, 7 septembre 2013.
1. Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale de 2012 à 2014.

Réaffirmer la laïcité aujourd'hui
«Le chef de l’État a rappelé : "le port du voile dans l’espace public n’est pas mon affaire. Dans les services publics, à l’école, c’est mon affaire. Dans les services publics, il y a un devoir de neutralité. Quand on éduque nos enfants, on demande qu’il n’y ait pas de signe religieux ostentatoire […]." M. Macron n’a pas directement évoqué le cas des mères voilées accompagnant des sorties scolaires […]. La loi les y autorise sans ambiguïté. […]
Emmanuel Macron, qui a appelé à plusieurs reprises à ne pas faire d’amalgame et "stigmatiser" les musulmans, s’en est de nouveau pris jeudi avec virulence au "communautarisme", en allusion à l’islam politique, qu’il a plusieurs fois dénoncé ces dernières semaines. "Le voile est utilisé dans certaines circonstances, certains quartiers, par certains, comme instrument de revendication et de séparatisme dans la République, qu’on appelle communautarisme", a dit Emmanuel Macron. […] "Il y a aujourd’hui des femmes et des hommes qui disent "de par ma religion je n’adhère plus aux valeurs de la République, je sors mon enfant de l’école, je refuse qu’il aille se baigner avec d’autres […] et au nom de ma religion je porte un autre projet politique". "Et ça, c’est un problème pour moi, avec une revendication qui devient politique", a insisté le chef de l’État.»
«Le port du voile dans l’espace public n’est pas l’affaire de l’État», Le Monde avec AFP, 25 octobre 2019.

La laïcité : un sujet sensible
Plantu, dessin de presse dans l'Express, 28 octobre 2019
 
Le prix de la laïcité de la République française (2015)
Décerné chaque année, le Prix de la laïcité de la République française a été obtenu en 2015 par l'Ecole d'art Brassart de Tours pour sa réalisation de 18 affiches visant à promouvoir le principe de laïcité auprès de divers publics
 
Les crèches de Noël en débat
En 2016, le tribunal administratif interdit au nom de la laïcité l’installation d’une crèche dans le hall d’entrée de l’Hôtel de la Région Auvergne-Rhône-Alpes à Lyon. Depuis, le président de région, Laurent Wauquiez, organise chaque mois de décembre une «exposition sur les arts santonniers» régionaux incluant cinq crèches. Elle est autorisée par la justice qui juge qu’elle « présente un caractère culturel et ne manifeste pas un acte de prosélytisme ou de revendication religieuse».