Ils se sont présentés hier au lycée Louise-Michel de Bobigny, espérant pouvoir suivre les cours de la journée. Peine perdue. Les trois élèves sikhs(1) du lycée ont dû quitter l'établissement à la demande du proviseur. Le dispositif de la loi sur la laïcité prévoit pourtant que les élèves qui porteraient un signe ostensible d'appartenance religieuse à la rentrée seraient accueillis dans les écoles. Pas en salle de classe, mais ailleurs dans l'établissement, le temps qu'un « dialogue » s'instaure avec les jeunes et leurs familles. La mise à l'écart des élèves sikhs de Bobigny, invités purement et simplement à rentrer chez eux, symbolise la confusion qui règne à leur encontre dans les établissements scolaires.
[…] « Dans un courrier daté du 10 mai, le Premier ministre nous avait donné des garanties sur la scolarisation de nos enfants, commente Karmvir Singh, très amer. » […] Une interprétation que réfute aujourd'hui le ministère de l'Éducation nationale : « La loi s'applique à tous, sans distinction. » Mais elle n'interdit que les signes ostensibles, et cette nuance place également les chefs d'établissement dans l'embarras : s'ils acceptaient d'accueillir les turbans sikhs, que dire aux élèves musulmanes qui ne manqueront pas de demander pourquoi le turban et pas le foulard ?
« On ne peut pas faire deux poids, deux mesures, commente Daniel Robin, responsable des questions de laïcité au Snes (syndicat majoritaire dans le secondaire). Mais c'est toute la contradiction de cette loi, faite pour interdire le foulard à l'école, sans l'assumer. Pour se prémunir du caractère ségrégationniste du texte, on y a intégré les kippas, les grandes croix, etc. Or, le cas des sikhs est inextricable. »
Dans le sikhisme, rappellent les maîtres du temple, « le symbole religieux n'est pas le turban, mais les cheveux qui sont dessous ». Et les sikhs ont interdiction de se les couper. Quand l'enfant grandit, ses cheveux sont nattés, montés en chignon puis couverts par un turban. « Il est impensable pour nous de vivre sans turban », expliquent les sikhs.
[…] Un responsable de la communauté s'indigne : « Cette loi française, totalement discriminatoire, contrarie les pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques ratifiés par la France. Nous tenterons tous les recours possibles. »