Etat et religions en Inde
THEME 3 :
ANALYSER LES RELATIONS ENTRE ETATS ET RELIGIONS

Objet de travail conclusif :
Etat et religions en Inde

Problématique générale : En quoi la religion en Inde est-elle un facteur à la fois d’unité et de division ?


Objectif méthodologique : travail de la dissertation

Assassinat de Gandhi par un extrémiste hindouiste
Le 30 janvier 1948, Gandhi est assassiné par un extrémiste hindouiste, refusant l’État laïc issu de l'indépendance de 1947. Gandhi, qui avait milité pour la partition de l'Inde, avait entamé une grève de la faim et une période de prières pour la paix entre les confessions religieuses en Inde
 
Le gouvernement Modi : carte blanche au militantisme nationaliste hindou

Les cinq années de gouvernement Modi (2014-2019) ont été marquées par un intense activisme nationaliste hindou. La liberté d’opinion et la propension au débat, si chères à la tradition intellectuelle indienne, ont fait les frais d’un chauvinisme culturel pro-hindou, aussi sourcilleux qu’intolérant. Ceux qui ont voulu dénoncer le gouvernement ou l’idéologie de l’hindutva ont fait l’objet d’intimidation, voire de représailles. Certains ont même été accusés de colporter des idées antinationales et menacés d’être inculpés pour comportement séditieux.

La transformation des institutions éducatives et culturelles a toujours constitué un objectif prioritaire de l’hindutva. Certaines institutions considérées comme proche du Parti du Congrès et parmi les plus prestigieuses du pays, telle l’université Jawaharlal-Nehru, ont vu leur direction confiée à des cadres du mouvement nationaliste hindou et/ou leurs budgets se réduire substantiellement.

Les cinq années du gouvernement Modi ont surtout conduit à une fragilisation de la situation des minorités. Profitant du retour au pouvoir du BJP, les groupes extrémistes du Sangh Parivar ont multiplié les campagnes de haine contre les musulmans. Celles-ci ont pris la forme de mouvements tels que « Ghar Wapsi », visant à reconvertir des musulmans à l’hindouisme sous prétexte qu’il s’agirait de leur religion d’origine, ou bien encore « Love Jihad », propageant la rumeur selon laquelle de jeunes musulmans cherchaient à séduire les femmes hindoues pour les convertir de force.

De même, les milices de protection de la vache ont intensifié leurs exactions contre des musulmans et des dalits (les hors castes) soupçonnés – souvent à tort – de consommer ou de trafiquer de la viande de cet animal sacré pour les hindous. Dans les États contrôlés par le BJP, elles ont commis de multiples lynchages, soit dans l’impunité, soit avec le soutien actif des autorités.

Au plus haut de l’appareil d’État, certains ministres ont publiquement fêté les protecteurs de la vache. Narendra Modi, de son côté, a condamné les exactions de façon ponctuelle. Dans le même temps, il n’a pas hésité à stigmatiser de manière à peine voilée la communauté musulmane dès lors que cela pouvait contribuer à la victoire du BJP dans des scrutins régionaux importants.

Les militants de l’hindutva ont instillé dans les esprits l’idée selon laquelle les hindous formaient le groupe majoritaire et qu’il leur revenait donc de définir la nation et de façonner les institutions selon leurs termes. Ce « majoritarisme », cautionnant la suprématie de la majorité, menace de renvoyer les minorités confessionnelles, tels les musulmans, à un statut de citoyens de second ordre et de faire de l’Inde une démocratie ethnique.

Par ailleurs, l’idéologie du nationalisme hindou semble s’être tellement diffusée dans le tissu social et politique que même le parti d’opposition, le Parti du Congrès, déploie ce que les observateurs qualifient d’« hindutva soft » par opposition à « l’hindutva dure » du Sangh Parivar. Son président, Rahul Gandhi (jusqu’en août 2019), par ailleurs arrière-petit fils de Jawaharlal Nehru, n’a pas hésité à multiplier les visites de temples et à exposer sa dévotion hindoue au grand jour pour contrer l’accusation portée par le BJP selon laquelle le Parti du Congrès ne se préoccupait que du sort des minorités.

Clairement, prendre le parti des minorités, notamment des musulmans, s’apparente aujourd’hui en Inde à une posture électorale sans avenir. Le sécularisme et le multiculturalisme privilégiés par les pères fondateurs s’en trouvent fragilisés comme jamais auparavant.

Isabelle Saint-Mezard, article paru dans la revue Questions internationales, n°95-96 "Le réveil des religions", janvier-avril 2019
La question des vaches sacrées devient politique
Dans la religion hindoue, la vache sacrée est considérée comme "Mère universelle" pour le lait qu'elle offre à tous, symbolisant la vie de toute créature. Dans certains États, dirigés par le BJP, la loi interdit son abattage, voire sa vente ce qui occasionne des violences antimusulmanes, car les bouchers sont souvent musulmans
 
"Un danger pour la structure laïque de la société indienne"
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La montée du nationalisme hindou

Nous autres hindous sommes en état de siège et nous ne le savons pas ! C'est ce qui est vraiment alarmant. La société hindoue peut être démembrée aujourd'hui sans qu'il n'y ait trop de protestations car nous nous berçons d'illusions ou avons perdu la capacité de penser collectivement en hindous (…). Sans surprise, les terroristes ont continué à viser l'Inde pour y créer le désordre et ont toujours les hindous pour cible (…). Les hindous sont pris en tenaille d'une façon terrible entre, d'une part, l'augmentation de la population islamique et l'immigration clandestine, et, d'autre part, le prosélytisme (1) des missions chrétiennes reposant sur l'argent.

Subramanian Swamy, Hindus Under Siege. The Way Out, Har-Anand, 2 006. Traduction de Christophe Jaffrelot

(1) Volonté de convaincre les autres ou d'imposer ses idées en matière de religion

Le sécularisme indien, d'après la constitution de 1950

La Constitution indienne de 1950 ne mentionne pas le terme de « sécularisme » mais la structure formelle de l'Etat définie dans ce document comprend toutes les caractéristiques d'un Etat séculariste. L'Inde ne reconnaît aucune religion d'Etat. Aucune institution éducative financée intégralement par l'Etat ne doit dispenser d'éducation religieuse (…). Toutes les lois pénales sont sécularistes. Une seule anomalie majeure persiste : une partie des lois civiles qui traitent de la famille, du mariage et de l'héritage relèvent de la religion. La liberté religieuse est garantie, ainsi que la liberté d'abjurer toute religion. Personne n'est obligé de payer des impôts dont les recette sont spécifiquement affectées à la promotion ou au maintien d'une quelconque religion ou confession (…). L'Etat a le devoir de s'abstenir de toute discrimination envers ses citoyens sur la base de leur religion, leur race, leur caste (1), leur genre ou leur lieu de naissance. En 1976, le terme de de « sécularisme » a été formellement introduit dans la Constitution et l'Inde a été déclarée une République séculariste.

Rajeev Bhargava, « Le sécularisme, ou la version indienne de la laïcité », Mouvement des idées et des luttes, 31 mars 2014

(1) Groupe social héréditaire auquel appartient tout hindou. Très inégalitaires, les castes ne sont pas abolies officiellement et gardent un rôle social et politique.

L’hindutva : un nationalisme culturel et ethnique

Le débat théorique sur la nation qui a opposé, en Europe, la définition universaliste française, fondée sur la volonté durable des individus de vivre ensemble, à l’interprétation allemande, bien plus sensible au déterminisme culturel, linguistique, voire ethnique, a eu une profonde résonnance en Inde.

La vision du Parti du Congrès et de Jawaharlal Nehru s’est inscrite dans ’approche universaliste. Elle postulait que la nation indienne résultait du consentement des individus, quelles que soient leur ethnie, leur croyance, leur langue, leur caste ou leur tribu. Les pères fondateurs de l’Inde indépendante ont ainsi favorisé une acception ouverte de la nation, seule capable selon eux d’embrasser l’immense diversité qui caractérisait, en pratique, la population du nouvel État.

Par ailleurs, au lendemain de la partition de 1947 qui avait porté la violence interconfessionnelle à son comble, cette acception permettait d’accueillir dans la nation indienne les nombreux musulmans qui n’avaient pas migré vers le Pakistan voisin. L’Inde indépendante a de la sorte adopté le principe de sécularisme, une variante de la laïcité mettant toutes les religions sur un même pied d’égalité par rapport à l’État, et donc sans traitement de faveur pour la confession majoritaire hindoue.

Mais, depuis plus d’un siècle, il existe en Inde une conception de la nation beaucoup plus restrictive, portée par l’idéologie de l’hindutva (hindouité). Pour les tenants de ce courant, c’est la culture hindoue qui, seule, définit la nation indienne et son identité.

À ce nationalisme culturel, qui glorifie les valeurs, les croyances et les traditions de l’hindouisme, se combine une dimension ethnique. Car les penseurs de l’hindutva sacralisent le territoire indien et l’assimilent souvent au corps d’une déesse hindoue, Bharat Mata (la mère Inde). Dès lors, ceux qui sont nés et qui vivent en terre indienne sont, pour eux, des enfants de cette déesse-mère et, donc, nécessairement hindous.

Plus encore, ils constituent un groupe à part, qui vit dans un univers de sens spécifique, celui de l’hindouisme, et qui entretient un lien émotionnel et organique fort avec son territoire, formant ainsi une nation de facto. Une telle vision met, il va sans dire, les Indiens chrétiens et musulmans sur la sellette. Les idéologues de l’hindutva tendent d’ailleurs à les considérer comme des hindous dévoyés et attendent d’eux qu’ils s’assimilent à la culture hindoue et qu’ils révèrent les grands symboles de l’hindouisme.

Contrairement aux pères fondateurs qui, prenant acte de la pluralité indienne, ont adapté l’idée de nation et les institutions en conséquence, les idéologues de l’hindutva sont tenaillés par l’obsession de l’unité et de l’homogénéité. La diversité et la fragmentation propres à l’univers hindou constituent, pour eux, une grave faiblesse et expliqueraient les épisodes historiques récurrents – et traumatisants – d’invasions et d’assujettissements du sous-continent par des forces étrangères, musulmanes et britanniques notamment.

Le nationalisme hindou se veut donc foncièrement réformateur. Son ambition est de façonner un nouveau corps social hindou, mieux à même de se défendre, donc plus homogène et soudé, d’une part, et plus conscient et fier de son identité, d’autre part. Pour ce faire, les militants de l’hindutva propagent un hindouisme réformé – et pour bonne partie inventé –, car apuré de ses innombrables particularismes (en termes sectaire, territorial ou de caste) au profit d’un corpus de rites et de pratiques « standardisés » et présentés comme universels pour les fidèles.

Enfin, parce qu’ils veulent unifier les hindous, les idéologues de l’hindutva identifient des boucs émissaires, qu’ils dépeignent comme irréductiblement menaçants. Ce faisant, ils diabolisent les minorités dont la confession est jugée « non indienne », car née hors du sous-continent. Ce sont en l’occurrence, la chrétienté et l’islam qui sont ainsi stigmatisés.

Les militants de l’hindutva tiennent particulièrement rigueur aux musulmans, jugés responsables de tous les maux qui ont pu affecter les hindous de près ou de loin. Ils estiment par exemple que ce sont les conquêtes musulmanes du XIIIe siècle qui ont mis fin à l’âge d’or de la civilisation hindoue. Ils accusent les musulmans indiens d’être pro-pakistanais et s’insurgent contre le favoritisme dont ils auraient bénéficié durant les décennies de gouvernement congressiste.

La question du code civil constitue à ce titre un point de fixation, la loi personnelle hindoue ayant effectivement été réformée, alors que la minorité musulmane a pu conserver la charia comme source de droit. L’imposition d’un code civil uniforme constitue ainsi un grand objectif des militants de l’hindutva.

Isabelle Saint-Mezard, article paru dans la revue Questions internationales, n°95-96 "Le réveil des religions", janvier-avril 2019

Le processus électoral, « un exercice laïque »

La Cour suprême indienne vient de statuer, lundi 2 janvier : un candidat à une élection ne peut pas faire appel à la religion, la caste ou les origines d'un citoyen pour l'inciter à voter pour lui. « Aucun homme politique ne peut solliciter des voix au nom d'une caste, d'une croyance ou d'une religion », a déclaré le premier président de la cour, T.S. Thakur, rappelant que le processus électoral doit être « un exercice laïque ». Cette décision pourrait avoir un poids important à la veille d'élections régionales importantes dans les mois qui viennent (…). Cette question épineuse de la relation entre la religion et la politique a surgi plusieurs fois devant la Cour suprême depuis 20 ans, principalement pour essayer justement, de limiter l'influence des thèmes hindouistes dans les campagnes électorales mais cette question n'avait jamais été complètement tranchée, même si l’Inde est officiellement laïque (…). Les partis politiques réussissent souvent à contourner les règles électorales, comme celle qui les oblige à déclarer les dons qu'ils reçoivent, et que personne ne respecte.

« L’Inde essaie de se laïciser en Interdisant de faire de la religion un argument électoral », www.francetvinfo.fr, 5 janvier 2017

L'évolution du BJP, parti de la droite nationaliste indienne

Le BJP arrive au pouvoir pour la première fois en 1998 sur une ligne modérée. Après sa victoire aux élections de mai 2014, son chef, Narendra Modi, issu de l'aile radicale du parti, devient Premier ministre.

Le BJP (Parti du peuple indien) émane d'un vaste mouvement (…) qui milite pour l’hindutva (l’hindouïté), autrement dit pour régénérer la nation hindoue. Sa matrice idéologique, le Rashtriya Swayamsevak Sangh (Association patriotique nationale – RSS) a été créée en 1925 par des intellectuels meurtris par l'expérience de la domination coloniale et le sentiment de décadence de la civilisation hindoue. Aussi le RSS n'a-t-il de cesse de réformer le corps social hindou pour le rendre plus fort, ce qui revient pour lui, à l’homogénéiser et à le discipliner. L'assassin de Gandhi se réclamait de cette mouvance (…). Dans cette vaste entreprise de refonte socioculturelle, les considérations politiques sont longtemps restées secondaires (…). Le BJP gagne du terrain en Inde du Nord depuis les années 1980. Il séduit la classe moyenne urbaine, souvent de hautes castes, par sa posture de parti propre et discipliné, qui tranche avec l'image dégradée du Congrès.

Isabelle Saint-Mézard, Atlas de l'Inde. Une nouvelle puissance mondiale, Autrement, 2 016

« Nous, peuples de l'Inde, avons solennellement résolu de faire de l'Inde une République socialiste souveraine séculariste et de garantir à tous ses citoyens : - Justice sociale, économique et politique ;- Liberté de pensée, d'expression, de croyance, de foi et de culte ;
- Égalité de statut d'opportunité ; et de promouvoir parmi tous fraternité assurant la dignité de l'individu et l'unité et l'intégrité de la nation ;

Dans notre assemblée constituante, ce vingt-sixième jour de novembre 1949, adoptons, faisons et nous donnons cette constitution (…).

Art. 15. L’État ne doit discriminer aucun citoyen sur le seul fondement de sa religion, de sa race, de sa caste, de son sexe, de son lieu de naissance ou de l'un de ses membres (…).

Art. 25. Sous réserve de l'ordre public, de la moralité et de la santé et des autres dispositions de la présente partie, toute personne a le même droit de jouir de la liberté de conscience et du droit de professer, de pratiquer et de propager librement la religion (…).

Art. 28. Aucune instruction religieuse ne doit être dispensée dans un établissement d'enseignement entièrement alimenté par des fonds publics (…).

Art. 30. Toutes les minorités, qu'elles soient fondées sur la religion ou sur la langue, ont le droit de créer et de gérer des établissements d'enseignement de leur choix.

Extraits de la Constitution de la République indienne, 1949

Inde : l’hindouisation à marche forcée - Ép. 3/4 - Foi politique, pouvoir religieux
Dans la nuit de lundi à mardi, New Delhi a été le théâtre de heurts intercommunautaires, alors que Donald Trump était reçu comme un roi par Narendra Modi en ce début de semaine. Alors, cette loi sur la citoyenneté et les réactions violentes qu’elle suscite peut-elle fragiliser Modi [...]
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Reporters - La laïcité indienne en danger
Le 11 décembre 2019, le Parlement indien a adopté une nouvelle loi sur la citoyenneté. Dénommée "Citizenship Amendment Act", elle permet aux réfugiés ayant fui le Pakistan, le Bangladesh et l'Afghani…
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L’Uttar Pradesh, laboratoire de l’extrémisme hindou
Par Sophie Landrin Publié le 24 décembre 2020 Le Monde
A la tête de l’Etat le plus peuplé d’Inde, Yogi Adityanath, moine fanatique adoubé par le premier ministre Narendra Modi, met en œuvre l’Hindutva, une idéologie ouvertement islamophobe.(..)
Ajay Singh Bisht, de son vrai nom, 48 ans, célibataire, est à la fois un moine hindou, responsable du monastère de Gorakhpur, le plus important pour la communauté hindoue des Nath Yogi, et, depuis 2017, le chef du gouvernement de l’Uttar Pradesh, l’Etat le plus peuplé d’Inde avec environ 200 millions d’habitants, et l’un des plus pauvres. Après trois ans de pouvoir, l’homme, d’allure plutôt frêle, qui ne s’exprime qu’en hindi, incarne le visage de l’hindouisme extrême. On lui prédit un destin national en tant que successeur possible de Narendra Modi, le jour où le premier ministre indien quittera le pouvoir. L’homme, omniprésent dans les médias, terrorise autant qu’il fascine.
Les défenseurs des droits de l’homme en frémissent, tant son Etat est devenu le laboratoire de l’Hindutva, une idéologie suprémaciste inventée dans les années 1920 visant à instaurer une Inde hindoue au détriment des autres religions, en particulier l’islam. Sa dernière décision, la criminalisation des mariages interreligieux, le « love djihad », n’est que l’ultime avatar d’une politique de stigmatisation systématique des musulmans. Yogi Adityanath est en croisade. Il ne s’en cache pas. A ceux qui lui demandent s’il est islamophobe, il répond : « Je suis contre tous ceux qui sont contre l’hindouisme. Mon programme est l’hindouisme. » (...)
L’essentiel de sa politique au cours des premiers mois est dirigée contre les musulmans et se focalise sur la question de la protection de la vache, animal sacré pour les hindous. « Il n’y a qu’une seule façon de protéger la culture indienne : protéger les gau (vaches), le Gange et la (déesse) Gayatri. Seule la communauté qui peut protéger ce patrimoine survivra. Sinon, il y aura une énorme crise d’identité, et cette crise d’identité mettra notre existence en danger », prophétise-t-il lors de la première convention indienne des protecteurs de vaches à Lucknow en novembre 2017. (...)
Parallèlement, Yogi Adityanath s’attelle à « restaurer », dit-il, l’histoire de l’Inde, en effaçant les traces des Moghols, les empereurs musulmans. Il retire le Taj Mahal des dépliants touristiques et rebaptise les villes, les rues et les musées à consonance musulmane pour les hindouiser.

Yogi Adityanath ne se heurte quasiment à aucune résistance. L’opposition politique est anéantie, et l’opposition citoyenne, quand elle ose s’exprimer, est systématiquement punie. Ce fut le cas lors des grandes manifestations contre la réforme de la nationalité votée en décembre 2019 par le Parlement. Durant des mois, dans tout le pays, les Indiens s’étaient mobilisés contre cette loi jugée islamophobe, excluant les immigrants musulmans d’un processus de régularisation accordé à toutes les autres religions.

Partisan de la réforme, le chef de l’Uttar Pradesh a ordonné aux policiers de réprimer les manifestants. Ceux-ci ont tiré à balles réelles dans la foule. Le bilan est lourd. Fin février, l’Etat comptait 23 morts, pour la plupart musulmans, et des centaines de protestataires avaient été jetés en prison sous le couvert de la loi sur la sécurité nationale (National Security Act), qui permet l’emprisonnement de toute personne représentant un danger pour la sécurité publique, pendant douze mois, sans procès. En mars 2020, Yogi Adityanath a fait placarder sur les murs de Lucknow des affiches portant les photos, noms et adresses de 75 manifestants, accusés de vandalisme et verbalisés de fortes amendes. Une sorte de mise au pilori, condamnée par la Haute Cour d’Allahabad – rebaptisée Prayagraj en octobre 2018 –, qui a ordonné le retrait des affiches litigieuses. (...)

Est-ce pour échapper aux polémiques qui font son quotidien, au moins une fois par semaine, que le moine député rejoint le monastère de Gorakhpur en 4 x 4, protégé par des hommes armés de kalachnikov ? Le lieu est immense et compte, outre le grand temple blanc, une succession d’autres bâtiments, de sanctuaires, la résidence et les bureaux du Mahant, une gaushala et ses vaches. Yogi Adityanath y reçoit en audience, une heure le matin. Certains dévots viennent lui baiser les pieds, mais bien souvent, les gens viennent lui demander une aide pratique, éducative ou médicale. Le monastère gère une douzaine d’institutions, une clinique, un hôpital, un collège sanskrit, une bibliothèque, un centre de yoga, une école.
Situé à 130 kilomètres d’Ayodhya, le monastère de Gorakhpur a joué un rôle central, à partir des années 1940, dans la bataille des hindous contre les musulmans pour exiger la construction sur ce site d’un temple en lieu et place de la mosquée de Babri, édifiée au XVIe siècle. Les hindous, qui détruisirent l’édifice en 1992, considèrent qu’il s’agit là du lieu de naissance du dieu Ram,septième avatar de Vishnou. En 2019, après des années de conflit et des milliers de morts, la justice indienne a donné son feu vert à la construction du temple, dont Narendra Modi et Yogi Adityanath ont posé la première pierre le 5 août au cours d’une cérémonie retransmise en direct par toutes les télévisions du pays.
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Ce Taj Mahal que les nationalistes hindous ne veulent plus voir
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