Décolonisation et émergence du Tiers-Monde : vers une complexification du monde bipolaire
THEME 2 :
LE MONDE DANS LA GUERRE FROIDE DE 1945 A 19991

Chapitre 6 :
Une bipolarisation du monde remise en cause
L'Onu : une tribune pour les Etats nés de la décolonisation
Les pays nés de la décolonisation entrent peu à peu à l'ONU. Ils siègent à l'Assemblée générale, où chaque État, quelle que soit son importance, dispose d'une voix et où le vote se fait à la majorité.
 
La naissance du mouvement des non‑alignés
1. La Conférence afro-asiatique reconnaît la nécessité urgente d’encourager le développement économique de la zone afro-asiatique.
La Conférence afro-asiatique recommande : l’établissement sans retard d’un fond des Nations unies pour le développement économique ; l’allocation par la Banque internationale de reconstruction et de développement d’une plus grande partie de ses ressources aux pays afro-asiatiques.
[...] La Conférence afro-asiatique, prenant note du fait que plusieurs États n’ont pas encore été admis aux Nations unies [...], fait appel au Conseil de sécurité pour qu’il appuie l’admission de tous les États qui ont les qualités requises par la Charte pour être membres des Nations unies. [...] La Conférence considère que le désarmement et l’interdiction de la production, de l’expérimentation et de l’utilisation des armes de guerre nucléaires et thermonucléaires sont des nécessités impératives pour sauver l’humanité et la civilisation de la peur et de la perspective d’une destruction totale. [...] La Conférence est d’accord pour déclarer que le colonialisme, dans toutes ses manifestations, est un mal auquel il doit être mis fin rapidement.
Conclusions de la conférence de Bandung (1955), rédigées collectivement par les États y participant.
L'appel du Groupe des 77
Le Groupe des 77 est une coalition de pays en développement qui défend les intérêts économiques et politiques de ses membres à l'Onu.
"Le sort de plus d'un milliard d'habitants du monde en voie de développement continue d'empirer du fait de l'évolution des relations économiques internationales. Le pouvoir d'achat des exportations des pays en développement n'a cessé de diminuer. La quasi-stagnation de la production des denrées alimentaires, alors que la population s'accroit rapidement, a aggravé l'état chronique de sous-alimentation et de malnutrition. La communauté internationale a l'obligation de corriger ces tendances défavorables et de créer les conditions dans lesquelles toutes les nations pourront jouir du bien-être économique et social."
Appel du Groupe des 77 à l'Onu, octobre 1967
Le mouvement des non-alignés et ses limites
 
Les difficultés du non-alignement
Plantu, caricature publiée dans Pauvres chéris, Le Centurion, 1978.

Les deux Grands rivalisent pour offrir leur aide aux États africains. Le Zaïre est ainsi soutenu à partir de 1965 par les États-Unis, tandis que l'Éthiopie est aidée militairement en 1977 par l'URSS.
 

Caricature de Plantu, Pauvres chéris, Le Centurion, 1978

 
Un appel à l'unité africaine
Le président du Ghana, partisan du non-alignement, milite pour la création des « États-Unis d'Afrique ».« Les richesses naturelles de l'Afrique passent pour être supérieures à celles de presque n'importe quel autre continent. Pour tirer le maximum de nos ressources […] nous devons unir nos efforts […]. Actuellement, la plupart des États indépendants d'Afrique vont dans un sens qui nous fait courir les dangers de l'impérialisme et du néo-colonialisme. […] Tant que nous restons balkanisés (1), […] nous sommes à la merci du colonialisme et de l'impérialisme. […] Les États particuliers, se sentant en danger, risquent d'être entraînés à conclure des pactes avec les puissances étrangères. […] L'unité continentale de l'Afrique est indispensable. »
Kwame Nkrumah, L'Afrique doit s'unir, Payot, 1964 (trad. L. Jospin).

(1) Divisés en de nombreux petits Etats hostiles les uns aux autres
Communiqué final de la conférence de Belgrade
"Les pays non-alignés représentés à cette conférence (1) considèrent que l'extension de la sphère de non-alignement dans le monde représente la seule possibilité et le choix indispensable face à l'orientation vers la division du monde en blocs et l'aggravation de la politique de guerre froide.
Les pays non-alignés offrent encouragement et appui à tous les peuples qui luttent pour leur indépendance et leur égalité (...).
Les participants à la conférence estiment que le désarmement est une nécessité impérative et une tâche très urgente pour l'humanité. Ils estiment essentiel qu'un accord sur l'interdiction de tous les essais nucléaires soit conclu d'urgence."
Première conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays non-alignés, Belgrade, 1er au 6 septembre 1961
(1) Pays asiatiques et africains auxquels se joignent Cuba et la Yougoslavie
Le non-alignement selon Sirimavo Bandaranaike
Les non-alignés ne considèrent aucun pays ou aucun peuple comme leur ennemi, mais ils ont toujours combattu contre l'injustice et l'intolérance (...). [La lutte des Vietnamiens], jusqu'à la victoire finale, contre la force militaire et les raisonnements fallacieux de l'une des plus grandes puissances, est un bel exemple pour tous les pays qui combattent pour leur libération, contre l'ingérence, la domination et l'oppression des nations étrangères (...). Si nous voulons véritablement émousser les armes de l'impérialisme et du colonialisme, nous devons façonner d'autres armes qui les contrebalancent. Autrement dit, nous devons avoir une monnaie qui soit soutenue par l'immense potentiel économique des non-alignés et d'autres pays en voie de développement.
Discours de Sirimavo Bandaranaike (Première ministre du Sri Lanka) au Ve sommet des non-alignés à Colombo, 16 août 1976
Pour un nouvel ordre économique international
4. Le nouvel ordre économique devrait être fondé sur le plein respect des principes ci-après : (...).
b) Coopération la plus étendue possible entre tous les Etats membres de la communauté internationale, fondée sur l'équité et de nature à éliminer les disparités dans le monde et à assurer la prospérité pour tous ;
c) Participation pleine et réelle de tous les pays, sur une base d'égalité, au règlement des problèmes économiques mondiaux dans l'intérêt commun de tous les pays, compte tenu de la nécessité d'assurer le développement rapide de tous les pays en voie de développement (...);
d) Droit pour chaque pays d'adopter le système économique et social qu'il juge être le mieux adapté à son propre développement (...) ;
e) Souveraineté permanente intégrale de chaque Etat sur ses ressources naturelles et sur toutes les activités économiques (...).
Déclaration de l'Assemblée générale des Nations Unies, 1974