Exposition 2:
Le 11 septembre et ses conséquences
THEME 3 :
LA GOUVERNANCE MONDIALE DANS UN MONDE MULTIPOLAIRE

Chapitre 7 :
Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux
Le réquisitoire américain contre l'Irak
« Les faits et le comportement de l'Irak montrent que Saddam Hussein et son régime n'ont pas fait le moindre effort pour désarmer conformément aux exigences de la communauté internationale. En réalité, les faits et le comportement de l'Irak montrent que Saddam Hussein et son gouvernement dissimulent leurs activités visant à produire davantage d'armes de destruction massive. […] L'Irak s'est mis en danger de subir les graves conséquences prévues par la résolution 1441 de l'ONU [qui soumet l'Irak à l'inspection de l'ONU]. Et cette institution risque de ne plus avoir de raison d'être si elle laisse l'Irak continuer à défier sa volonté sans réagir efficacement et immédiatement. […]
Saddam Hussein a des armes chimiques. […] Nous n'avons aucune preuve que Saddam Hussein ait à aucun moment abandonné son programme d'armes nucléaires. […] Les milieux officiels irakiens nient les accusations de liens avec Al-Qaïda. Mais ces démentis ne sont absolument pas crédibles. […]
Lorsque nous faisons face à un gouvernement qui nourrit une ambition de domination régionale, qui cache des armes de destruction massive et qui donne un asile et un soutien actif aux terroristes, nous ne faisons pas face au passé, mais au présent. Et si nous n'agissons pas, nous aurons à faire face à un avenir encore plus effrayant. »
Colin Powell, secrétaire d'État américain, discours sur l'Irak au Conseil de sécurité de l'ONU, 5 février 2003.
Une politique étrangère dirigée contre « l'Axe du mal »
« En quatre mois seulement, notre pays a su réconforter les victimes, commencer à reconstruire New York et le Pentagone, réunir une grande coalition, capturer, arrêter et débarrasser le monde de milliers de terroristes, détruire des camps d'entraînement de terroristes en Afghanistan, sauver le peuple de la famine et libérer un pays de l'oppression brutale. […] Ce soir, nous gagnons la guerre contre le terrorisme. […]
[Nos] ennemis voient le monde entier comme un champ de bataille, et nous devons les poursuivre, où qu'ils soient. […] Nous devons empêcher les terroristes et les régimes qui cherchent des armes chimiques, biologiques ou nucléaires de menacer les États-Unis et le monde. […] Des pays comme la Corée du Nord, l'Iran, l'Irak et leurs alliés terroristes constituent un Axe du mal, s'armant pour menacer la paix dans le monde. […] L'histoire a appelé l'Amérique et nos alliés à l'action, et c'est à la fois notre responsabilité et notre privilège de lutter au nom de la liberté. »
George W. Bush, président des États-Unis, discours sur l'état de l'Union, 29 janvier 2002 (trad. F. Bonaventure).
 
La prise de Bagdad
Renversement des statues colossales de Saddam Hussein lors de la prise de Bagdad, le 09 avril 2003
 

Une analyse de la politique américaine

George W Bush a lancé, en riposte aux attentats du 11 septembre 2001, une « guerre globale contre la terreur ». Les membres effectifs d'Al-Qaïda n'étaient alors qu'un ou 2 milliers. 18 années plus tard, cette « guerre » aux nombreuses évolutions a causé des centaines milliers de milliers de victimes et englouti des centaines de milliards d’euros. Mais les partisans d’Al-Qaïda, de Daech et de leurs organisations affiliées sont désormais des dizaines de milliers, avec des centaines de milliers de sympathisants, présents dans le monde entier. Certes, les jihadistes ne disposent plus de territoire sous leur contrôle exclusif, mais ce n'était pas non plus le cas en 2001. Le caractère fondamentalement militaire de ces campagnes anti-terroristes explique une bonne part de leur bilan contrasté.

Article du blog de l'historien Jean-Pierre Filiu sur le site du journal Le Monde ,15 septembre 2019

Nations soutenant la coalition en 2003
 
Pourquoi la France s'oppose à la guerre
« Il y a deux options : l'option de la guerre peut apparaître a priori la plus rapide. Mais n'oublions pas qu'après avoir gagné la guerre, il faut construire la paix. […] Il y a une autre option offerte par les inspections, qui permet d'avancer de jour en jour dans la voie d'un désarmement efficace et pacifique de l'Irak. Au bout du compte, ce choix-là n'est-il pas le plus sûr et le plus rapide ? […]
L'autorité de notre action repose aussi sur l'unité de la communauté internationale. Une intervention militaire prématurée remettrait en cause cette unité, ce qui lui enlèverait sa légitimité et, dans la durée, son efficacité. Elle pourrait avoir des conséquences incalculables pour la stabilité de cette région meurtrie et fragile. Elle renforcerait le sentiment d'injustice, aggraverait les tensions et risquerait d'ouvrir la voie à d'autres conflits. […]
M. Powell a évoqué des liens supposés entre Al-Qaïda et le régime de Bagdad. […] Rien ne nous permet d'établir de tels liens. En revanche, […] une telle intervention ne risquerait-elle pas d'aggraver les fractures entre les sociétés, entre les cultures, entre les peuples, fractures dont se nourrit le terrorisme ? »
Monsieur le président, à ceux qui se demandent avec angoisse quand et comment nous allons céder à la guerre, je voudrais dire que rien, à aucun moment, au sein de ce Conseil de Sécurtié, ne sera le fait de la précipitation, de l'incompréhension, de la suspicion ou de la peur.
Dans ce temple des Nations Unies, nous sommes les gardiens d'un idéal, nous sommes les gardiens d'une conscience. La lourde responsabilité et l'immense honneur qui sont les nôtres doivent nous conduire à donner la priorité au désarmement dans la paix.
Dominique de Villepin, ministre français des Affaires étrangères, discours au Conseil de sécurité de l'ONU, 14 février 2003.

1er mai 2003 : "Mission accomplished"
Les principales opérations de combat ont cessé en Irak. Lors de la bataille d’Irak, les États-Unis et leurs alliés l’ont emporté. Désormais, notre coalition est engagée dans la sécurisation et la reconstruction du pays.
Désormais, nous avons la capacité de libérer une nation en détruisant un régime dangereux et agressif. Grâce à de nouvelles tactiques et des armes précises, nous pouvons remplir des objectifs militaires sans que les civils n’aient à subir de violence. […] La transition entre la dictature et la démocratie prendra du temps, mais ces eorts ne sont pas vains. Notre coalition restera jusqu’à ce que ce travail soit terminé. Puis nous partirons, laissant derrière nous un Irak libre.
Discours du président George W Bush proclamant la « mission accomplie », 1er mai 2003
Une sécurisation impossible ?
Photographie d'une opération de sécurisation menée par l’armée américaine dans les rues de Bagdad après la mort de quatre de ses soldats lors d’un attentat suicide, le 21 mai 2003

Soutenues par de puissants bombardements aériens, les troupes au sol de la coalition dirigée par les États-Unis écrasent rapidement l’armée de Saddam Hussein. Une fois la victoire acquise, elles deviennent cependant la proie d’attentats quotidiens

 
Les limites de la guerre contre le terrorisme
« Cinq ans de guerre contre le terrorisme », dessin de Chappatte, Le Temps, 11 septembre 2006.
Malgré deux interventions militaires en Afghanistan (2001) et en Irak (2003), les États-Unis ne sont pas parvenus à remporter de victoire décisive contre Al-Qaïda avant l'élimination de Ben Laden en mai 2011 au Pakistan.
 
Un pays désorganisé
La bascule politique imposée par les États-Unis en 2003 a largement contribué à l'effondrement du pays et embrasé de nouveau les relations entre chiites et sunnites, déjà rendues délétères sous Saddam Hussein, surtout après la première guerre du Golfe. Car le sentiment d'exclusion des sunnites, après la liquidation politique de tout ce qui pouvait de près ou de loin apparaître comme lié à l'ancien clan Saddam, a nourri la défiance envers la nouvelle hégémonie chiite. Cette défiance a, entre autres, pris la voie du terrorisme djihadiste, de la création d'Al-Qaïda Mésopotamie en 2003 à l'État islamique d'Irak devenu l'État islamique en 2014.
Pierre Blanc, Jean-Paul Chagnollaud, Moyen-Orient, Idées reçues sur une région fracturée, Le Cavalier Bleu, 2019.
Les Etats-Unis dans le bourbier irakien
«L’offensive militaire s’est avérée être pour Washington et Londres la partie la plus facile […]. En amont, les négociations diplomatiques relatives au problème irakien […] se sont soldées par le refus du Conseil de sécurité de l’ONU d’autoriser la guerre, provoquant de très fortes tensions entre proches alliés (France et États-Unis). En aval, [...], les forces anglo-américaines auront à faire face à la résistance à l’occupation, au terrorisme, aux difficultés du state-building et de l’exportation de la démocratie par les armes […]. L’invasion de 2003 fait suite à plus d’une décennie de bras de fer entre Bagdad et Washington, de sanctions internationales, d’inspections en désarmement, de double jeu irakien […]. La guerre d’Irak aura eu pour effet de faire de l’Iran [ennemi des États-Unis] une puissance incontournable de la région […]. La guerre d’Irak et ses suites auront été l’accélérateur d’un déclin relatif de la puissance américaine, parallèle à l’avènement d’un monde multipolaire écla, dans lequel les rapports de forces s’équilibrent et se brouillent, le jeu de puissances se fait plus complexe, illisible et incertain. »
Virgile Coujard, « Irak (2003) », dans Benoît Durieux, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Frédéric Ramel (dir.), Dictionnaire de la guerre et de la paix, © PUF, 2017.
L'enlisement
Dans le bastion chiite de Sadr City à Bagdad, des hommes brandissent des pancartes demandant le retrait des Américains lors d'une manifestation contre la visite du Secrétaire d'Etat à la Défense américain en Irak, en septembre 2008.
Le chiisme est l'une des branches de l'islam, majoritaire en Irak et en Iran
 
Les attentats-suicides en Irak, 2003-2008
À la suite de la chute du régime de Saddam Hussein, l’armée états-unienne devient une force d’occupation dont l’ambition est de permettre la reconstruction du pays
et la mise en place d’un nouvel État démocratique irakien.
Le pays sombre dans la violence, les attentats visant l’armée états-unienne, le nouvel État irakien et les violences intercommunautaires se multiplient.
 

Le retrait des troupes américaines
Les pertes américaines en Irak de 2003 à 2010 s'élèvent à près de 4 500 soldats.
Ce soir, j'annonce que la mission américaine de combat en Irak a pris fin. L'opération "Liberté pour l'Irak" est terminée et les Irakiens ont maintenant la responsabilité principale de la sécurité de leur pays. Cela avait été ma promesse aux Américains, alors que j'étais candidat à cette fonction [de président].
En février, j'avais annoncé un plan de retrait de nos troupes de combat, tout en redoublant nos efforts pour renforcer les forces de sécurité de l'Irak et aider son gouvernement et son peuple. C'est ce que nous avons fait (...).
Mettre fin à ce conflit n'est pas seulement dans l'intérêt de l'Irak, c'est dans le nôtre. Les Etats-Unis ont payé un prix énorme pour mettre le futur de l'Irak entre les mains de son peuple. Nous avons envoyé nos jeunes gens faire d'énormes sacrifices en Irak, et consacré des ressources à l'étranger à un moment de restrictions budgétaires chez nous. Nous avons préservé en vertu d'une conviction que nous partageons avec les Irakiens - une conviction que des cendres de cette guerre, un nouveau début pourrait naître dans ce berceau de civilisation. Au long de ce remarquable chapitre de l'histoire des Etats-Unis et de l'Irak, nous avons assumé notre responsabilité. Maintenant, il est temps de tourner la page.
Discours de Barack Obama, président des Etats-Unis, le 31 août 2010

Le bilan de l'intervention en Irak de 2003

Ce conflit, motivé par la présence supposée d'armes de destruction massive sur le sol irakien, méritait-il d'être mené ? (…)

Cette épineuse question suscite des avis profondément divergents (…) : à ceux qui voient dans l'éviction du « tyran de Bagdad » (1) un mal nécessaire pour arracher la population à sa servitude s'opposent ceux pour qui « l’aventurisme » de George Bush fils (…) n'aura été rien d'autre qu'un acte d'agression sans justification, dénué de toute légalité internationale et générateur d'instabilité

De l'avis du New York Times (…) cette « marche folle » n'a pas contribué à renforcer l'influence et la crédibilité de l'Amérique (…).

Quid de l'Irak lui-même ? Si, comme le laissent penser le Daily Telegraph, la culture et les arts connaissent un renouveau salvateur, le pays n'est pas pour autant libéré de ses vieux démons. La violence et le sectarisme perdurent. Quant à la démocratie, elle n'existe que sur le papier, minée par les assauts conjugués de l'autoritarisme, de la corruption et du népotisme, expliquent le Washington Post et le Guardian. Ce qui tire au New Yorker cette conclusion empreinte d'amertume : « Vietnam, Irak, Afghanistan : nous avons beaucoup d'anniversaires à oublier ».

« 10 ans après, le douloureux bilan de la guerre de l'Irak », Le Monde, 20 mars 2013

(1) Surnom de Saddam Hussein, président irakien de 1979 à 2003