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ngd
Kader A.Abderrahim, Daech, Histoire en jeux et pratiques, Eyrolles, 2016.
Après des années 2002-2003 où, de Bali à Mombassa, des cibles étrangères avaient été visées par des activistes dépêchés par Al-Qaïda, puis après les attaques du 16 mai 2003 à Casablanca où toutes les victimes étaient marocaines et musulmanes, l'année 2004 s'ouvrit par une sorte de remake sur le sol européen du 11-Septembre : le 11 mars à Madrid, quatre trains de banlieue qui se dirigeaient vers la station d'Atocha sautèrent quasi simultanément. […]
Si l'attaque de Madrid s'inscrivait explicitement dans la stratégie du djihad contre « l'ennemi lointain » et pouvait se targuer de succès après le retrait espagnol de Mésopotamie [Irak], l'assassinat du vidéaste hollandais Theo van Gogh à Amsterdam le 2 novembre suivant participait déjà d'une autre logique. La victime avait été poignardée par un jeune d'origine marocaine pour avoir « blasphémé » par son clip Soumission, qui dénonçait la condition des femmes dans l'islam en projetant les versets coraniques incriminés sur des chairs féminines nues. Le meurtrier n'avait pas été formé à dessein par Al-Qaïda : socialisé dans le milieu djihadiste néerlandais, il était passé à l'acte selon un processus inconnu après avoir été mis en condition par le formatage doctrinal qui lui était inculqué.
Ce schéma de la « punition du blasphémateur » fera florès ensuite à l'occasion de la campagne lancée contre les caricatures du Prophète (publiées en septembre 2005 par un quotidien danois en réaction à l'affaire Van Gogh) et finalement lors du massacre de la rédaction de Charlie Hebdo par les frères Kouachi à Paris le 7 janvier 2015.