Plongée dans les enjeux maritimes de la Guyane, vaste territoire français d’Amérique du Sud
Bordée par le Brésil à l’Est et le Suriname à l’Ouest, la façade océanique guyanaise s’étire sur 378 kilomètres de mangroves mouvantes, ouvrant sur une Zone Économique Exclusive (ZEE) de 131 506 km², soit 1,5 fois sa superficie terrestre.
Ces eaux abritent des ressources halieutiques prometteuses, mais elles sont aussi le théâtre de trafics illégaux et de menaces grandissantes, faisant de leur surveillance un enjeu stratégique crucial, souligne volontiers Esteban Aguado, chercheur associé à l’Institut pour la Fondation Méditerranéenne d’Études Stratégiques (FMES), dans son étude intitulée : « Les Enjeux maritimes de la Guyane », publiée le 6 janvier 2025.
L’économie bleue : un potentiel sous-exploité
La mer constitue une richesse sous-estimée en Guyane. L’économie bleue y représente 1,5 % du PIB et emploie 1,7 % de la population active. Le port de Dégrad-des-Cannes, sur le fleuve Mahury, joue un rôle central : 99 % du fret y transite, faisant de ce Grand Port Maritime (GPM) le 23ème port français en termes de tonnage de marchandises. Les eaux guyanaises regorgent de ressources halieutiques, notamment des espèces à haute valeur ajoutée (…). Pourtant, ce trésor maritime est menacé par la pêche illégale, qui met en péril l’environnement et l’économie locale.
La menace de la pêche illégale
La pêche illicite, non déclarée et non réglementée, constitue un défi majeur. Selon une étude récente (S. Leforestier, juin 2024), les navires étrangers, principalement brésiliens et surinamiens, effectuent une activité illégale représentant jusqu’à trois fois l’effort de pêche légal local sur la période 2019-2023. À l’Est, les tapouilles brésiliennes défient régulièrement les contrôles dans le fleuve Oyapock. À l’Ouest, les pêcheurs surinamiens pénètrent profondément dans les eaux françaises, tandis que plus au large, les ligneurs vénézuéliens ciblent le vivaneau rouge, espèce prisée sur les marchés internationaux. Pour contrer ces incursions, les Forces Armées en Guyane (FAG) et la Marine nationale ont renforcé leurs efforts dans la lutte contre la pêche illégale (…)
Article d’Olivier d'Auzon, paru dans Le Diplomate, 1er février 2025
Ports : Le Havre et Marseille ont tiré leur épingle du jeu face à la concurrence en 2024
L’activité et les chiffres d’affaires des deux plus grands ports à conteneurs français ont continué de progresser l’an dernier malgré les perturbations du transport maritime mondial et la concurrence avec les ports du Nord de l’Europe. Ils misent tous deux sur les investissements industriels, en forte hausse cette année, pour assurer leur développement.Souvent accusé d’une moindre compétitivité par rapport aux autres ports du Nord de l’Europe, le Havre a affiché l’an dernier une hausse de 18,7 % de son trafic de conteneurs avec 3,1 millions d’équivalents vingt pieds (EVP), soit la plus forte progression du trafic de conteneurs sur la Northern Range. Le transbordement a bondi de 56 % et enregistre ainsi son niveau le plus important depuis cinq ans. Cette dynamique est illustrée également par un trafic inland solide (+7 %), mais aussi par une augmentation du nombre d’escales au Havre, en dépit des évènements en mer Rouge.
Toutes activités confondues, le trafic maritime enregistre cependant une hausse plus modeste, de 2,4 % à 83,2 millions de tonnes (Mt). Les vracs solides et les vracs liquides ont en effet reculé respectivement de 8 % (à 11,7 Mt) et de 5% (à 39,9 Mt). La contreperformance du vrac liquide est principalement liée à des variations de stocks sur les produits raffinés ainsi qu’à l’incendie de la raffinerie ExxonMobil en mars 2024, entraînant une baisse des imports de pétrole brut avant son redémarrage fin mai. Au total le chiffre d’affaires d’Haropa (Le Havre, Rouen et Paris) a augmenté de 3,6 % pour atteindre 437 millions d’euros (M EUR).
Forte progression du trafic de conteneurs
A Marseille-Fos, dont le chiffre d’affaires a atteint 224,5 M EUR (+ 7 %), ce sont également les conteneurs, en hausse de 9 % à 1,45 Mt traitées, qui ont tiré l’activité à la hausse. Ce regain de l’activité s’explique, d’une part, par le détournement des routes maritimes vers le cap de Bonne-Espérance en raison des perturbations en mer Rouge, générant une hausse de près de 65 000 EVP selon l’autorité portuaire. D’autre part, les volumes à l’import et à l’export ont affiché une croissance de 53 500 EVP, particulièrement marquée sur des axes stratégiques tels que la Chine (+ 12 %), l’Algérie (+ 12 %), la Turquie (+ 13 %), La Réunion (+ 25 %), l’Egypte (+ 25 %), et l’Inde (+ 6 %).
En revanche le trafic total a reculé, passant de 72 Mt à 70,5 Mt, toutes activités confondues. Le vrac liquide a connu un recul global de 2 % malgré une hausse de 10 % des volumes de produits raffinés qui a permis de compenser les arrêts techniques des raffineries d’Esso et de Cressier en Suisse et le recul de 16 % du trafic GNL. A contrario, le trafic de gaz de pétrole liquéfié (GPL) a enregistré un rebond de 13 % en raison des sanctions européennes sur les importations de GPL russe.
Cap sur la décarbonation et les projets industriels
Si les deux ports semblent tirer leur épingle du jeu dans un environnement difficile, ils poursuivent également leur politique d’attraction des investissements logistiques industriels pour assurer leur développement et maintenir leur compétitivité. Au Havre l’année 2024 a été marquée par des annonces de trois projets d’implantations majeurs dans la transition énergétique, portés par Livista (raffinerie de lithium), Air Products (gaz industriels) et Qair (ENR). Ces projets devraient induire un surplus de près de 1 Mt de trafic maritime annuel et 0,5 Mt de trafic fluvial.
Haropa a ainsi engagé 146 millions d’euros en 2024, soit 29 % de plus qu’en 2023, avec un fort accent porté sur la décarbonation qui a absorbé la moitié des investissements totaux (73 millions d’euros). Cette année devrait également voir, outre la concrétisation de ces projets, le lancement des travaux de la Chatière au Havre (création d’un accès fluvial direct à Port 2000 via un chenal), des premiers travaux de la plateforme fluviale Port Seine Métropole Ouest (PSMO) et de la concrétisation des implantations industrielles annoncées l’an dernier. Par ailleurs, l’électrification des quais se poursuit. Le quai Pierre Callet du Terminal croisières pourra alimenter les paquebots à partir d’avril et les équipements des quais Roger Meunier et Joannès Couvert seront mis en service en 2026. L’électrification des quais de Port 2000 est en cours d’étude.
Deux ports dans les limbes des classements internationaux
Le port de Marseille a quant à lui investi près de 99 M EUR, soit 30 % de plus qu’en 2023, avec là encore une priorité donnée aux projets liés à la décarbonation ou la protection de l’environnement. Comme au Havre, ils concentrent environ la moitié des investissements. Le report modal des marchandises (projets ferroviaires Graveleau et Mourepiane) et la connexion électrique des navires à quai et des centrales photovoltaïques forment l’essentiel de l’effort. Les autorités portuaires comptent par ailleurs encore accélérer les projets verts en investissant 1 milliard d’euros dans les cinq prochaines années, avec en ligne de mire des projets majeurs, comme DEOS, une plateforme pour l’éolien offshore chiffrée à plus de 500 millions d’euros.
Malgré les millions d’euros consentis ces dernières années pour mettre leurs infrastructures à niveau, les deux plus grands ports français, cruciaux pour les entreprises travaillant à l’export, continuent de trainer une mauvaise réputation auprès des experts du transport maritime international. En juin 2024, la Banque mondiale classait le port à conteneurs du Havre 372e de son Container Port Performance Index (CPPI), deux rangs derrière Douala, au Cameroun, et celui de Marseille en 354e position, juste devant le port de Constanța, en Roumanie. Barcelone occupe la 34e place, Anvers-Bruges la 76e, Rotterdam la 91e place et Hambourg la 121e de cet index fondé sur la performance (attente, opérations, numérisation…).
Grève et débrayages perlés
Les routes maritimes qui se redessinent sous la pression des conflits et tensions géopolitiques impliquent une concurrence accrue entre les ports européens. Dans ce contexte, il n’est pas sûr que la grève nationale des dockers les 30 et 31 janvier contre la réforme des retraites et les débrayages prévus en février n’améliorent les performances du plus grand port à conteneurs de France et sa place dans les classements internationaux.
Article de Sophie Creusillet paru dans Le Moci (revue spécialisée dans le commerce