La Chine : un nouvel acteur remettant en cause la logique bipolaire du monde ?
H6 : UNE BIPOLARISATION DU MONDE REMISE EN CAUSE
La politique des "Quatre modernisations" et l’avènement du «socialisme de marché»
a. «Nous voici encore une fois à un tournant de l’histoire de la Chine. En 1978, nous avons lancé un vaste programme que nous appelons "les quatre modernisations": modernisation de l’industrie chinoise, de l’agriculture, du secteur scientifique et technologique, et de la défense nationale. Pour nous autres Chinois, il s’agit là, en un sens bien réel, d’une nouvelle révolution et c’est une révolution socialiste. Le but d’une révolution socialiste, au fond, consiste à libérer les forces productives d’un pays et à les développer. […] La Chine a maintenant adopté une politique d’ouverture sur le monde, dans un esprit de coopération internationale […]. Nous voudrions, à mesure que notre développement se pour-suit, élargir le rôle de l’économie de marché. Au sein du système socialiste, une économie de marché et une économie fondée sur la planification de la production peuvent coexister et il est possible d’établir entre elles une coordination.»
Discours de Deng Xiaoping devant le Comité central, 1979, in Rémi Peres, Chronologie de la Chine au XXe siècle, Vuibert, 2001, D.R.

b. «Sans accroissement des forces productives pour rendre notre pays prospère et puissant et améliorer les conditions de vie de notre population, notre révolution reste un vain mot […]. Bien sûr, nous ne voulons pas du capitalisme, mais ne nous voulons pas non plus être pauvres sous le socialisme [...]. Pour mener à bien les quatre modernisations, nous devons suivre une politique d’ouverture au monde extérieur. […] Nous devons nous appuyer sur les réalisations scientifiques et technologiques du monde entier, ainsi que sur d’éventuels capitaux étrangers pour réaliser au plus vite les quatre modernisations.»
Entretien de Deng Xiaoping avec des universitaires américains, 1979, in Xavier Paulès, « La Chine. Des guerres de l’opium à nos jours», Documentation photographique, n°8093, 2013 © DILA.

La Chine s'ouvre au monde
 
Affiche de lancement de la campagne de modernisation (1979)
"Longue vie aux habitants de la République populaire de Chine"
 
Le réveil de la Chine
 
L'ouverture de la Chine aux étrangers
"Bienvenue aux étrangers"
Affiche souhaitant la bienvenue aux hommes d'affaireset aux touristes occidentauxn exposée en 1978 dans plusieurs villes chinoises (ici, Canton)
 
Les manifestations étudiantes de Tian'anmen réprimées par l'armée chinoise (4 juin 1989)
 
Le déclenchement du «printemps de Pékin»
Le 15 avril 1989, la mort d’un ancien secrétaire du Parti communiste chinois, Hu Yaobang, considéré comme un réformateur et dont beau-coup espéraient le retour au pouvoir, pousse les étudiants dans la rue.
« Pour la première fois depuis que le Parti communiste était au pouvoir, la Chine était confrontée à une crise financière majeure, [les gens] étaient surtout mécontents de la corruption grandissante et impatients de voir l’application des réformes politiques. À la même époque, en Union soviétique, Gorbatchev […] avait engagé des réformes allant dans le sens de la démocratie.
[…] D’un même élan, et dans toutes les grandes villes, les étudiants sortirent des campus […] commencèrent à afficher leurs opinions sur les murs, et à manifester à l’intérieur comme en dehors des campus universitaires. À Pékin, ils furent des milliers à se répandre dans les rues et à converger vers la place Tian’anmen. […] éclatèrent alors spontanément des slogans comme "Démocratie !" "Liberté d’expression !" "À bas la corruption !" "On veut des réformes politiques!" […].
Le 15, le 16, le 17 mai furent des journées extraordinaires. Pékin était envahi par sa population qui descendait dans la rue. […] La manifestation étudiante se trans-formait en un immense réveil populaire qui se répandait à travers toute la Chine.»
Cai Chongguo, J’étais à Tiananmen, L’Esprit du Temps, 2009.
Une nouvelle forme de capitalisme en Chine
« Je suis surpris de la vitesse à laquelle se développent les zones économiques spéciales de Shenzhen et Zhuhai, ainsi que quelques autres endroits. […] La première leçon à tirer de Shenzhen est bien celle-là : oser foncer. […] Qui oserait prétendre qu’il ne prend jamais le moindre risque […]? Chaque année les dirigeants chinois doivent dresser un bilan pour garder ce qui est bon, modifier au plus vite ce qui ne l’est pas, et chercher à résoudre les nouveaux problèmes survenus […]. Lorsque les réformes traînent et que l’on n’ose pas foncer, c’est tout bonnement, quoi qu’on en dise, que l’on a peur de voir augmenter les éléments capitalistes et de s’engager dans cette voie […]. Mieux vaut, pour critère de jugement, se demander si ce qui est en cause est bénéfique ou non au développement des forces productives de la société socialiste, si l’État socialiste s’en trouvera globalement renforcé et le niveau de vie élevé. […] Les zones économiques spéciales appartiennent à la famille socialiste et non à la famille capitaliste […]. La propriété publique y est prépondérante, les investissements étrangers n’y représentent qu’un quart […].
La croissance économique est cruciale si l’on veut saisir toutes les chances de progrès. Aujourd’hui certains pays et régions alentour se développent plus vite que nous. Si nous ne nous développons pas, ou trop lentement, les gens ne manqueront pas de faire des comparaisons embarrassantes. […] Pour autant que l’on veille à l’efficacité et à la qualité, mettre en place une économie tournée vers l’extérieur n’a absolument rien d’inquiétant.»
Discours de Deng Xiaoping cité dans Hélène Arthus, «Les discours de Deng Xiaoping dans le Sud, points essentiels des discours prononcés par le camarade Deng Xiaoping à Wuchang, Shenzhen, Zhuhai et Shanghai (du 18 janvier au 21 février 1992)», Perspectives chinoises, n°2, 1992.
Deng Xiaoping assume la répression
Extraits du discours prononcé par Deng Xiaoping, le 9 juin 1989, devant des officiers chargés d'appliquer la loi martiale dans Pékin
La victoire dans la répression des troubles et de la rébellion contre-révolutionnaire a une grandiose signification historique. Elle a protégé les fruits de la victoire de la Révolution chinoise, renforcé la position stratégique du Socialisme dans notre pays ainsi que les résultats de dix années de réforme et d'ouverture, et elle a fourni au Parti et au peuple une expérience dont ils ont tiré des leçons extrêmement utiles.
J'ai dit à des étrangers que la plus grande erreur que nous avons commise pendant ces dix dernières années a été l'échec de l'éducation. Par-là, je voulais dire principalement l'échec de l'éducation politico-idéologique, et pas seulement celle qu'on donne dans les écoles, aux jeunes et aux étudiants ; c'est de l'éducation du peuple tout entier dont je voulais parler.
Dans l'avenir, lorsque nous aurons à régler des problèmes du même genre, il nous faudra tout faire dès leur apparition pour éviter qu'ils ne s'étendent.
Deng Xiaoping, Œuvres choisies tome 3 dans Michel Bonnin, "Le parti communiste chinois et le 4 juin ou comment s'en sortir et comment s'en débarrasser", Perspectives chinoises, 2009
La répression chinoise vue des Etats-Unis
Durant ces derniers jours, des éléments de l'armée chinoise ont brutalement réprimé les manifestations pacifiques du peuple en Chine (...). Les manifestations de la place Tian'Amnen réclamaient des droits fondamentaux , la liberté d'expression, la liberté de la presse et la liberté d'association. Ce sont des objectifs que nous soutenons partout dans le monde (...). Les Etats-Unis ne peuvent pas tolérer ces attaques violentes (...).
J'ordonne les actions suivantes : la suspension de toutes les exportations d'armes (...), la suspension des rencontres entre les dirigeants américains et les chefs militaires chinois, l'examen bienveillant des demandes d'étudiants chinois voulant prolonger leur séjour aux Etats-Unis, et l’offre d'assistance humanitaire et médicale à travers la Croix-Rouge aux personnes blessées lors de la répression (...). Sur le plan commercial, je ne veux pas nuire au peuple chinois. Je crois précisément que les échanges commerciaux ont conduit à cette quête de liberté.
George Bush, président des Etats-Unis, conférence de presse du 5 juin 1989