La Chine : un nouvel acteur remettant en cause la logique bipolaire du monde ?
H6 : UNE BIPOLARISATION DU MONDE REMISE EN CAUSE
La République populaire de Chine : un acteur régional en Asie (1949-1975)
 
Une alliance liée à la Guerre froide
Le 14 février 1950, la cine signe un traité d'amitié avec l'Urss. Théoriquement, il s'agit d'un traité de défense contre une éventuelle agression japonaise. Dans les faits, ce sont les Etats-Unis, puissance protectrice du Japon, qui sont visés.
Art. 1. Les parties contractantes entreprennent de prendre conjointement toutes les mesures nécessaires en leur pouvoir pour empêcher une répétition de l'agression [japonaise]. Si l'une des parties contractantes était attaquée par le Japon ou des Etats alliés au Japon (...), l'autre partie contractante lui fournirait immédiatement une assistance militaire et autre, avec tous les moyens à sa disposition (...).
Art. 3. Aucune des parties contractantes n'entrera dans une alliance dirigée contre l'autre partie, ou ne participera à une coalition ou à toute autre action ou mesures dirigées contrre l'autre partie.
Art. 4. Les deux parties contractantes se consulteront sur toutes les questions internationales importantes impliquant les intérêts communs de l'Union soviétique et de la Chine.
Traité d'amitié sino-soviétique, 14 février 1950
Le rapprochement entre la Chine de Mao et les Etats-Unis
Shanghai, 27 février 1972
Le président Nixon a rencontré le président Mao Zedong du Parti communiste chinois le 21 février (...)
La partie chinoise a déclaré : partout où il y a oppression, il y a résistance. Les pays veulent l'indépendance, les nations veulent la libération et le peuple veut la révolution - c'est devenu la tendance irrésistible de l'histoire. Toutes les nations, grandes ou petites, doivent être égales ; les grandes nations ne devraient pas intimider les petites et les nations fortes ne devraient pas intimider les faibles (...). Il existe des différences essentielles entre la Chine et les Etats-Unis dans leurs systèmes sociaux et leurs politiques étrangères. Cependant, les deux parties sont convenues que les pays, quel que soit leur système social, devraient mener leurs relations sur les principes du respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de tous les Etats, de la non-agression contre les autres Etats, de l'égalité et bénéfice mutuel et coexistence pacifique. Les différends internationaux devraient être réglés sur cette base, sans recourir à l'emploi ou à la menace de la force. Les Etats-Unis et la République populaire de Chine sont prêts à appliquer ces principes à leurs relations mutuelles.
Communiqué commun des Etats-Unis et de la Chine suite à la conférence de Shanghai, Public Papers : Nixon, 1972, National Archives, Washington
Communiqué du Parti communiste chinois
Le groupe dirigeant du PCUS (Parti communiste d'union soviétique) a trahi le marxisme-léninisme, le grand Lénine, la vpos de la grande révolution d'Octobre, l'internationalisme prolétarien et des peuples et nations opprimés, ainsi que les intérêts du grand peuple soviétique et des peuples des pays socialistes. Il a invectivé le Parti communise chinois en te taxant de "dogmatique" , de "sectaire" et d'"aventuriste de gauche" (...).
La session plénière condamne avec la plus grande vigueur l'impérialisme américain pour sa criminelle entreprise d'extension de guerre d'agression contre le Vietnam. Elle soutient avec le plus grand enthousiasme et la plus ferme résolution l'Appel lancé par le camarade Ho Chi Minh, président de la République démocratique du Vietnam (...).
La session plénière estime que l'impérialisme américain est l'ennemi commun le plus féroce des peuples du monde entier. Afin de l'isoler au maximum et de lui porter les coups les plus durs, il faut former le front uni international le plus large contre l'impérialisme américain et ses laquais. Le groupe dirigeant révisionniste de l'Union soviétique poursuit une politique de collaboration soviéto-américaine en vue de la domination mondiale (...). Il n'est évidemment pas inclus dans ce front uni.
Communiqué de la onzième session plénière du Comité central issu du VIII° Congrès du Parti communiste chinois, adopté le 12 août 1966
La Chine populaire intervient dans la guerre de Corée (nov. 1950)
Affiche chinoise
1. "Vive l'armée du peuple coréen et les volontaires chinois qui se battent pour la victoire !"
2. Le président américain Truman et le général américain Mac Arthur
 
La Chine populaire, un leader du tiers-monde (1955)
«Honorable président, distingués délégués, Notre conférence a produit des résultats [...]. Nos différentes façons d’aborder et d’envisager les choses e nous ont pas empêchés d’aboutir à une entente […].
Je désire déclarer une fois encore que le peuple chinois apporte toute sa sympathie et son appui à la lutte des peuples d’Algérie, du Maroc et de Tunisie pour leur autodétermination et leur indépendance, à la lutte du peuple arabe de Palestine pour les droits humains, à la lutte du peuple indonésien pour le rétablissement de la souveraineté indonésienne sur l’ouest d’Irian1, et à la juste lutte pour l’indépendance nationale et la liberté des peuples que livrent tous les peuples d’Asie et d’Afrique pour secouer le joug du colonialisme. [...] Quant à l’unification pacifique de la Corée, les parties intéressées devraient rapidement chercher une solution par voie de négociations. La Chine et les États-Unis devraient se rencontrer et négocier pour régler la question de l’atténuation et l’élimination de la tension dans la région de Formose2. Cependant, cela ne doit en aucune manière affecter la juste volonté du peuple chinois d’exercer ses droits souverains pour la libération de Formose.»
Déclaration de Zhou Enlai (Premier ministre chinois), à l’issue de la conférence de Bandoeng, 24 avril 1955.
1. Territoire encore sous souveraineté néerlandaise
2. Taïwan, dirigée depuis 1949 par Tchang-Kaï-chek et son parti le Kuomintang qui ont fui la Chine communiste
La puissance américaine vue par Mao Zedong
Même avec l'aide de l'impérialisme américain, le Guomindang n'a pas pu nous vaincre. Le grand, le puissant ne peut pas gagner, tandis que le petit, le faible finit toujours par l'emporter. A présent, l'impérialisme américain est très puissant, mais cette puissance n'est pas réelle. Il est très faible sur le plan politique., parce qu'il est coupé des larges masses populaires et que tout le monde le déteste, y compris le peuple américain. Il est très puissant en apparence mais n'a rien de redoutable en réalité, c'est un tigre en papier. Vu de l'extérieur, c'est un tigre, mais il est fait en papier et ne peut résister ni au vent ni à la pluie (...).
L'Histoire toute entière, l'histoire plusieurs fois millénaire de la société de classes de l'humanité, a confirmé cette vérité : le puissant cède la place au faible. Cela s'applique aussi au continent américain. La paix ne pourra s'établir qu'après l'élimination de l'impérialisme : et le jour viendra où ce tigre en papier sera détruit. Cependant, il ne disparaîtra pas de lui-même, il faut que le vent et la pluie s'abattent sur lui.
Mao Zedong, "L'impérialisme américain est un tigre en papier (14 juillet 1956)" dans S. Zizek, A. Badiou, Mao. De la pratique et de la contradiction, Paris, La Fabrique, 2008
La Chine de Mao se présente colle un nouveau leader du Tiers-monde (1964)
Affiche de propagande maoïste
La Chine populaire de Mao, puissance régionale en Asie, veut prendre la tête de la lutte des pays du Tiers-monde contre les Etats-Unis qui commencent à intervenir au Vietnam. Le Tiers-monde est ici représenté sur la place Tian'anmen à Pékin, devant le palais de l'Assemblée du peuple.
 
La Chine communiste au Conseil de sécurité de l’ONU
L'Assemblée générale (...),
Reconnaissant que les représentants du gouvernement de la République populaire de Chine sont les seuls représentants légitimes de la Chine à l'Organisation des Nations unies et que la République populaire de Chine est un des 5 membres permanents du Conseil de sécurité.
Décide le rétablissement de la République populaire de Chine dans tous ses droits et la reconnaissance des représentants légitimes de la Chine à l'ONU, ainsi que l'expulsion immédiate des représentants de Tchang-Kaï-chek du siège qu'ils occupent illégalement à l'ONU et dans tous les organismes qui s'y rattachent.
Résolution 2758 adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 25 octobre 1971
Un changement dans les relations sino-américaines amorcé en janvier 1970
Henry Kissinger est depuis 1968 conseiller à la sécurité nationale de Richard Nixon, et le principal concepteur de sa politique extérieure.
Aiguillonnée par la menace évidente des forces soviétiques concentrées sur 6 000 km de frontière commune, la Chine voulait réduire le nombre de ses adversaires et opposer un contrepoids supplémentaire à cette pression. Handicapée par les traumatismes du Vietnam, mais bien décidée néanmoins à instaurer une ère nouvelle dans les relations internationales, l'administration Nixon était convaincue que le contact avec ce quart de l'humanité pourrait ouvrir de nouvelles perspectives à notre diplomatie (...). J'estimais que jamais nous n'arriverions à rien de tout cela, à moins (...) d'organiser des entretiens à un niveau élevé entre envoyés spéciaux dans l'une des capitales, sans doute Pékin.
Henry Kissinger, A la Maison-blanche, 1968-1973, Librairie A. Fayard, 1979