"Bien des indices montrent que les cultivateurs eux-mêmes commençaient à dépenser plus d'argent que d'habitude pour leurs vêtements, pour leurs chaussures (...), pour leur nourriture ou pour leur confort : c'est à ce moment-là que s'introduisit dans les fermes l'usage de la vaisselle. Les dimanches et jours de fête d'abord, plus fréquemment ensuite et enfin tous les jours, on prit l'habitude de donner une assiette à chacun (...). La présence de trois facteurs et d'une receveuse des PTT en cette commune qui, 20 ans plus tôt, n'était pas jugée digne d'être desservie par un courrier à cheval dénote un changement notable (...) du point de vue gouvernemental.
On trouvait toujours dans le bourg des couturières, des lingères. Mais voici qu'en 1911 apparaît une modiste (1) ; c'était l'indice d'un changement considérable survenu dans la façon de s'habiller. Les vieilles femmes, seules, continuaient à porter des bonnets et des coiffes. […]
Presque toutes les femmes nées après 1880 avaient abandonné les bonnets. Elles allaient nu-tête le plus souvent et portaient le dimanche, pour aller à la messe, des chapeaux commandés à Mazières et venus de la ville, parfois même des grands magasins de Paris. Une modiste trouvait donc à gagner sa vie.
Les changements en ce qui concerne la nourriture n'étaient pas moins importants. On ne trouve encore, en 1886, qu'un boulanger. Mais un marchand de vins, un boucher, un charcutier se sont installés. En 1896, on trouvera un marchand de bière. […] Les paysans avaient pratiquement renoncé à ce moment à faire eux-mêmes leur pain. En 1911, enfin, nous trouvons à Mazières une marchande de marée qui vendait peu de poissons de choix, mais des sardines, des moules, voire des huîtres et, à la saison, des melons, des raisins. »
Roger Thabault (1895-1979), Mon Village : ses hommes, ses routes, son école, 1848-1914, 1944
(1) Fabricante de chapeaux.