Misère en Bretagne au début du XXème siècle
Pierre Jakez-Hélias décrit la vie de ses parents au début du XXème siècle, en pays bigouden (Bretagne)
Ma mère se levait avec le jour d'été et bien avant celui d'hiver. Elle commençait par mettre soigneusement sa coiffe, opération qu'elle avait appris à réussir dès l'âge de 6 ans, faisait la pâtée du cochon, trayait la vache, préparait le déjeuner des petits, les faisait se lever, les envoyait à l'école, menait la vache au champs qui était à demi-lieue , revenait en tricotant, faisait le ménage, lavait les frusques, s'occupait du repas de midi, retournait aux champs en battant du crochet, travaillait la terre selon ses forces, revenait avec la vache au bout de sa corde et un faix d’herbe sur le dos ou alors un lourd panier à la main, retrouvait les enfants, maintenait la discipline du petit monde, faisait faire les devoirs, raccommodait les hardes, gavait de nouveau le cochon trayait une seconde fois la vache, cuisait la bouillie ou les pommes de terre, faisait la vaisselle, couchait la troupe, rangeait tout, reprenait son crochet ou son aiguille à la lueur d'une lampe Pigeon, attendait son père et ne gagnait son lit qu’après lui. Ainsi de 11 à 20 ans sans arrêt.
Pierre Jakez-Hélias, Le cheval d'orgueil, collection Terre humaine, Plon, 1975
L’exode rural dans le Morvan à la fin du XIXème siècle
La population française et rurale à 69 % en 1870, à 56 % en 1914.
La crise agricole (1) a entraîné le départ de nombreux journaliers, privés de travail dans les exploitations céréalières où la chute des revenus ne permettait plus d'employer une aussi abondante main d'œuvre. L’outillage, qui a progressé, demande moins de bras. Même sur les exploitations à dominante herbagère où l'élevage est en bonne place, les besoins journaliers sont moins grands. L'utilisation des faucheuses et de plus en plus défavorable à l'ouvrier agricole. Les transformations de l'agriculture, tout comme les crises, poussent à l'exode du monde du travail. Pour l'ensemble de ces migrants définitifs, journaliers, domestiques, petits exploitants, artisans de village, il est certain que l'accroissement des moyens de transport mis à leur disposition, en particulier le chemin de fer, à faciliter leur départ.
Marcel Vigreux, Paysans et notables du Morvan auXIXème siècle, Château-Chinon, 1987
(1) La Grande Dépression qui touche le monde agricole entre 1882 et 1896