H7 La question ouvrière
THEME 3 :
LA TROISIEME REPUBLIQUE AVANT 1914 : UN REGIME DEMOCRAITQUE, UN EMPIRE COLONIAL

Chapitre 8 :
Permanences et mutations de la société française jusqu'en 1914

Document général : Chronologie des événements de Fourmies

1889 : L'Internationale ouvrière appelle les ouvriers à faire grève et à manifester chaque 1er mai

1891 : Fourmies, dans le Nord, compte 16 1000 habitants dont 75% d'ouvriers travaillant dans des usines textiles

20 avril : Les socialistes Hippolyte Culine et Paul Lafargue aident les ouvriers qui s'apprêtent à manifester à rédiger leurs revendications : la réunion de préparation prévoit la grève du 1er mai, la revendication de la journée de 8h et la création d'une caisse de retraite pour les ouvriers

30 avril : A la demande de 32 patrons de Fourmies, le maire réclame un renfort de troupes au sous-préfet qui envoie 2 compagnies de soldats

1er mai : Quelques centaines d'ouvriers défilent en criant « c'est les 8 heures qu'il nous faut ! ». Ils demandent la libération des grévistes emprisonnés dans la matinée. Après les tensions avec les manifestants, l'armée tire sur ordre du commandement : la fusillade fait 10 morts, dont 4 femmes et un enfant

5 mai : Les députés votent à l'unanimité le versement d'une indemnité de 50 000 francs aux familles des victimes et les ouvriers reprennent progressivement le travail

6 mai : Hippolyte Culine est condamné à 6 ans de prison pour incitation à l'émeute

1903 : Inauguration d'un monument aux morts à la mémoire des fusillés de Fourmies

La création de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO)

En 1905, les partis socialistes français se regroupent en un seul parti, la SFIO.

Le Parti socialiste est un parti de classe qui a pour but de socialiser les moyens de production et d'échange, c'est-à-dire de transformer la société capitaliste en société collectiviste ou communiste, et, pour moyen, l'organisation économique ou politique du prolétariat. Par son but, son idéal, par les moyens qu'il emploie, le Parti socialiste, tout en poursuivant la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière, n'est pas un parti deréformes, mais un parti de lutte des classes et de révolution.

Le groupe socialiste au Parlement doit refuser au gouvernement tous les moyens qui assurent la domination de la bourgeoisie et son maintien au pouvoir, refuser en conséquence les crédits militaires, les crédits de conquête coloniale, les fonds secrets et l'ensemble du budget.

Déclaration de la commission d'unification, 30 décembre 1904

Les idées socialistes

J'appartiens, vous le savez, à ce grand parti socialiste qui a uni toutes ses forces pour hâter l'émancipation complète des prolétaires et l'avènement d'une société plus harmonieuse et plus juste, où le travail sera souverain (…). Ces vastes lois ne seront possibles que par une réforme hardie de l'impôt qui demandera aux classes riches, jusqu'ici privilégiées, une plus large contribution (…). Avec vous tous, citoyens, avec tout le parti socialiste, avec la classe ouvrière et paysanne, toujours mieux organisée, avec les républicains qui veulent donner son sens plein à la République, je travaillerai à cette grande œuvre, qui sera une œuvre d'apaisement aussi bien que de justice.

Jean Jaurès, Profession de foi à l'occasion de sa candidature aux élections législatives à Albi, 1906

Jean Jaurès dans une réunion politique à Carmaux
Lithographie, vers 1910 (Musée J. Jaurès, Castres)
Jean Jaurès (1859-1914) est un professeur de philosophie qui prend conscience de la question ouvrière en 1892 à Carmaux lors d'une grève de mineurs. Il est élu député socialiste de Carmaux de 1892 à 1898, puis de 1902 à 1914. Il diffuse ses idées dans un journal L'Humanité (fondé en 1904) et dans la SFIO
 
La mémoire du 1er mai 1891
Peu après les événements de Fourmies, Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, poursuivi pour « provocation au meurtre » en tant qu'un des instigateurs de la grève, revient sur le sens de l'événement.
« Le 1er mai n'est plus un jour de fête populaire ou de manifestation socialiste comme le 14 juillet, le 18 mars ou le Dimanche de la Semaine sanglante. […]
Le 1er mai prend dans l'imagination populaire un autre caractère qui le distingue partout où j'ai passé. [L'ouvrier] sent instinctivement que ce jour-là le grand mot d'ordre donné en 1848 par Marx et Engels : Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! est réalisé et que la classe ouvrière, en dépit des obstacles matériels et intellectuels, en dépit des mers et des océans, des préjugés patriotiques et des différences de langage […].
Le massacre de Fourmies augmentera le mysticisme ; il a donné au 1er mai ses martyrs et son auréole sanglante. La fosse où les ouvriers ont enterré, avec les victimes, leurs illusions sur la République bourgeoise, deviendra un lieu sacré comme le mur des fédérés […]. Le cimetière de Fourmies deviendra un lieu de pèlerinage où la France se rendra tous les ans pour maudire la société capitaliste et pour faire entendre la voix tonnante de la révolution sociale. »
La Défense des travailleurs, organe socialiste de Saint-Quentin et de l'Aisne, n° 20, 31 mai 1891.
La Charte d'Amiens
Adoptée à une quasi-unanimité par les délégués de la CGT, cette charte marque une prise de distance du syndicat vis-à-vis des partis politiques, et en particulier de la SFIO, créée moins d'un an plus tôt.
« La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat. Le Congrès [de la CGT] considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte de classe qui oppose, sur le terrain économique, les travailleurs en révolte contre toutes les formes d'exploitation et d'oppression, tant matérielles que morales, mises en œuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière. […] Dans l'œuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l'accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d'améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l'augmentation des salaires, etc. […] Il préconise comme moyen d'action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd'hui groupement de résistance, sera, dans l'avenir, le groupe de production et de répartition, base de l'organisation sociale. »
Charte d'Amiens, adoptée lors du 9e congrès de la CGT, le 13 octobre 1906.