Exposition 3 :
Une redistribution de la puisance au XXIème siècle
THEME 3 :
LA GOUVERNANCE MONDIALE DANS UN MONDE MULTIPOLAIRE

Chapitre 7 :
Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux
La reprise du pouvoir par les talibans est une illustration cinglante du monde post-américain qui se dessine »
La stratégie de « guerre globale contre le terrorisme » mise en œuvre par les Etats-Unis et leurs alliés depuis 2001 a appauvri leur capacité de réaction aux changements géopolitiques, au profit d’autres puissances dont la Chine, estime la politiste Alexandra de Hoop Scheffer.
Il aura fallu seulement dix jours pour que les talibans reprennent le contrôle de l’Afghanistan et célèbrent à leur manière le vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Cette reconquête éclair et la détermination du président Biden à retirer les troupes américaines ont sidéré le monde entier. En réalité, nous assistons ici à l’aboutissement d’une décennie de désengagement américain et d’une déliquescence chronique des institutions afghanes qui ont profité aux talibans. La reprise du pouvoir par les talibans marque un tournant géopolitique : il s’agit d’abord d’une défaite stratégique pour les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN, avec des implications à long terme pour leur crédibilité et leur capacité à agir ailleurs ; c’est aussi une illustration cinglante du monde post-américain qui se dessine, au profit d’autres puissances, la Chine en premier lieu, mais aussi la Russie, la Turquie et l’Iran qui s’imposent sur le terrain et mènent la diplomatie de crise [...]
En décembre 2010, le président Obama recentre sa stratégie sur l’impératif sécuritaire de la lutte contre Al-Qaida et exclut toute entreprise de « nation building » (« construction d’Etat ») en Afghanistan, devenu un concept tabou. Il est intéressant de noter que Joe Biden, lui aussi, a évolué sur le sujet : en 2001, alors président de la commission des affaires étrangères du Sénat, il évoquait un projet de reconstruction similaire au plan Marshall, affirmant qu’une entreprise de « nation-building » en Asie centrale et du Sud était la solution à long terme au problème du terrorisme. Dix années plus tard, il insistait sur une stratégie américaine non plus de nation-building en Afghanistan mais focalisée sur la lutte contre le terrorisme, une position qu’il défend aujourd’hui avec fermeté.[...]
Pendant vingt ans, les Etats-Unis et leurs alliés ont tenté différentes stratégies pour défaire les talibans. Entre 2001 et 2005, ils se sont appuyés sur les chefs de guerre afghans, tandis que les Etats-Unis se concentraient sur l’Irak. En 2014, le soutien aux milices afghanes et aux soulèvements anti-talibans était devenu la clé. A défaut de restaurer la sécurité, l’armée américaine a distribué de l’argent pour tenter d’« acheter » la paix temporaire : le financement apporté aux seigneurs de guerre et à leurs milices en échange de leur protection des convois américains, n’a fait qu’affaiblir le gouvernement sans cesse court-circuité. Les projets de reconstruction (infrastructures, écoles) ont souvent été conçus dans un contexte de précipitation, sans s’être assurés de la capacité du gouvernement ou des autorités locales à les maintenir et les entretenir une fois les forces internationales parties.[...]
Les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN sont aujourd’hui en panne de stratégie, comme en témoignent les revirements en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie et au Sahel, les balbutiements de la réflexion européenne sur ces sujets, et l’incapacité des gouvernements à expliquer les objectifs de leurs engagements militaires auprès d’opinions publiques de plus en plus sceptiques.Cet appauvrissement de la réflexion stratégique des deux côtés de l’Atlantique est en partie attribuable aux deux décennies de la « guerre globale contre le terrorisme » dans laquelle l’Amérique a plongé le monde au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, entravant toute forme de réflexion sérieuse sur les évolutions de l’environnement stratégique contemporain. La lutte contre le terrorisme a empêtré les Etats-Unis et leurs alliés dans des guerres perpétuelles, et diminué la créativité diplomatique ainsi que leur capacité à réagir aux changements géopolitiques.
Tribune d' Alexandra de Hoop Scheffer, politiste Le Monde , 23 aout 2021
Alexandra de Hoop Scheffer est politiste et directrice, à Paris, du think tank transatlantique German Marshall Fund of the United States.
Un monde multipolaire
 
Pierre Buhler - Les nouveaux visages de la puissance - Les Experts du Dessous des cartes | ARTE
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Les Etats-Unis sont-ils toujours le gendarme du monde ? (Mappemonde Ep. 5)
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Guerre et morale
Avec la chute du mur de Berlin, une nouvelle aube de démocratie s('est levée à l'étranger et une décennie de paix et de prospérité est arrivée chez nous. Un moment, il a semblé que le XXIème sièce serait une époque tranquille. Puis, le 11 septembre 2001, notre suffisance a pris un rude coup (...). Voilà plus d'une décennie que nous sommes en guerre. Je ne vais pas revenir sur toute l'histoire. Ce qui est clair, c'est que nous avons vite chassé Al-Qaïda d'Afgha,ista,, mais ensuite changé d'objectif et commencé une nouvelle guerre en Irak. Cela a eu de graves conséquences sur notre lutte contre Al-Qaïda, notre réputation dans le monde et - jusqu' à aujourd'hui - nos intérets dans une région vitale (...).
Dans certains cas, je crois que nous avons compromis nos grands principes, en utilisant la torture pour interroger nos ennemis et en détenant des individus d'une manière peu conforme à la loi (...). C'est dans ce contexte que les Etats-Unis ont mené des actions mortelles ciblées contre Al-Qaïda et ses alliés, notamment avec des avions pilotés à distance communément appelés drones (...). Cette nouvelle technologie suscite de profondes questions, sur la question de savoir qui est visé et pourquoi ; sur les victimes civiles et le risque de se créer de nouveaux ennemis ; sur la légalité de telles frappes selon le droit américain et international , sur la responsabiltié et la morale (...). Je sais que la politique est une affaire de durs. Mais l'histoire portera un jugement sévère sur cet aspect de notre lutte contre le terrorisme et sur ceux qui ont échoué à y mettre un terme.
Barack Obama, "L'avenir de notre lutte contre le terrorisme", discours prononcé le 23 mai 2013 devant l'Université de la Défense Nationale à Washington.
Les Etats-Unis, grande puissance militaire
 
De Trump à Biden : quel leadership américain ? - Le Dessous des cartes | ARTE
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Les Etats-Unis dominent-ils toujours le monde ? - Géopoliticus
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Les conséquences de la guerre d'Irak
La guerre d'Irak devait être le triomphe de la domination des Etats-Unis et la preuve que rien ne pouvait arrêter leur volonté, une fois que leur décision était prise (...). Pourtant, cette rapide victoire s'est avérée être une catastrophe stratégique. En effet, les objectifs recherchés n'ont pas été atteints, qu'il s'agisse de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de la guerre contre le terrorisme ou du contrôle par les Etats-Unis du Proche-Orient.
Mais si la guerre d'Irak a montré les limites de la puissance américaine, il serait trop rapide de conclure au déclin des Etats-Unis. Les Etats-Unis ont toujours, et de loin, le premier PNB mondial et le dollar reste la monnaie de référence ; les entreprises américaines sont toujours les plus puissantes et occupent des positions dominantes dans de nombreux domaines , notamment dans les nouvelles technologies ; leurs capacités d'innovation technologique restent déterminantes. L'Amérique exerce un effet d'attractivité très fort sur les élites du monde, continue à démontrer des capacités d'intégration tout à faits remarquables et sa culture populaire (cinéma, musique...) a toujours une position dominante dans le monde (...). Dans ce sens, les Etats-Unis exercent encore un pouvoir de persuasion et d'influence (dit soft power) en dehors des champs de bataille et des politiques de contraintes (dits hard power). L'échec américain est celui d'une tentative hégémonique, mais les Etats-Unis pourraient tout à fait à nouveau exercer un leadership, à condition de prendre plus en compte l'avis des autres puissances. La politique extérieure américaine est rejetée, mais la société américaine demeure populaire et attractive.
Pascal Boniface, 50 idées reçues sur l'état du monde, Armand Colin, 2009
L'empreinte des États-Unis
Quel que soit le sort de la superpuissance américaine dans les 20 ou 30 prochaines années, la plupart des universitaires étudiant les relations internationales s'accordent à dire que l'ordre libéral qu'elle construit survivra à son règne. Même si cet ordre venait à être mis à mal par des successeurs autoritaires comme la Chine ou la Russie, l'héritage de l'hégémonie américaine va bien au-delà des simples institutions internationales. De nombreux empires aujourd'hui disparus ont laissé un riche patrimoine culturel qui a persisté longtemps après leur effondrement. […]
S'il peut être problématique, l'impact culturel de l'Amérique est encore plus profond et pourrait se révéler persistant. L'Amérique influence des milliards d'individus à travers le monde […]. L'Amérique a libéré le flux des informations grâce aux films de Hollywood, à la télévision, à Internet et aux téléphones portables. Si la variété américaine a modifié notre façon de chanter, les enseignes de restauration rapide ont transformé notre façon de manger.
Alfred McCoy, « L'empreinte des États-Unis restera sur le monde », L'histoire des Amériques, Le Monde, 2018.
Vers un nouveau siècle anonyme
Contraints de se consacrer davantage à leurs problèmes internes, et confrontés à un monde complexe et tourmenté, les États-Unis ne seront probablement plus jamais à même de le dominer vraiment. Ce qui ne veut nullement dire qu'ils n'y joueront pas un rôle-clé. […] Leur imbrication économique dans un monde globalisé les incitera à continuer d'y peser. Ils y seront d'autant plus portés qu'il en ira de leur sécurité et qu'aucune autre puissance n'étant prête à prendre le relais, il leur sera possible de revendiquer un leadership qu'ils sont, à tout prendre, les seuls à même d'exercer.
Mais ils ne l'assumeront, au mieux, que de façon intermittente et comptée, au sein d'un système mondial où la puissance a été redistribuée […]. Tandis que la puissance passera aux réseaux et coalitions dans un monde multipolaire, il sera sans doute difficile à un quelconque pays, y compris à la Chine, le principal rival désormais des États-Unis, d'établir une hégémonie comparable à celle dont ces derniers ont joui. Le successeur du « siècle américain » sera très probablement ce « siècle global » qui a déjà commencé à en prendre le relais : un siècle où aucune puissance ne disposera de l'autorité incontestée, un « siècle anonyme » comme l'a dit Zbigniew Brzezinski.
Pierre Melandri, ancien conseiller du président Carter de 1977 à 1981), « Le siècle américain », Une histoire, © Perrin (Place des éditeurs), 2016.
Une du magasine Conflits n°16, 2018