Un télégramme diplomatique français sur le rôle de l'Urss
Le 14 décembre 1957, Maurice Dejean, ambassadeur à Moscou, adresse à Christian Pineau, ministre français des Affaires étrangères, un télégramme précisant les modalités de la présence soviétique au Proche- et Moyen-Orient.
M. Dejean, ambassadeur de France à Moscou
À M. Pineau, ministre des Affaires étrangères
Moscou, 14 décembre 1957
L’URSS a fait irruption dans une région longtemps considérée par l’Occident comme une chasse gardée. Elle s’est assurée de solides positions en Égypte et s’est installée plus largement encore en Syrie, merveilleuse base d’action et d’agitation au cœur des pays arabes. […] Désormais la route du pétrole, indispensable à l’Europe occidentale, peut être coupée à chaque instant par des pays plus ou moins associés ou inféodés à l’URSS. Des positions que l’Occident conserve encore à Beyrouth, à Bagdad et en Arabie Saoudite, certaines sont fragiles.
Par sa propagande, par ses méthodes subversives aussi bien que par son action diplomatique, l’URSS cherche à élargir ses avantages.
Dans cette lutte pour le contrôle du monde arabe – qui est en même temps une lutte pour le contrôle de l’Afrique et de l’Asie –, elle dispose d’atouts très puissants. Elle exploite sans scrupule le fanatisme sous toutes ses formes : ressentiment contre les anciens maîtres, nationalisme exacerbé, ambitions démesurées d’individus cherchant à réaliser à leur profit l’unité du monde arabe. […] Elle multiplie les promesses et les exemples d’assistance technique, économique, financière « absolument désintéressées » et [elle] dispose par rapport aux Occidentaux d’un avantage considérable, à savoir sa désinvolture à l’égard d’Israël contre lequel peut se refaire à chaque instant et dans n’importe quelles circonstances l’unanimité des pays arabes et qui est présenté à la fois comme l’ennemi juré des Arabes et le support des impérialismes.
Documents diplomatiques français, 1957, tome II, Imprimerie nationale, 1991