N’en déplaise aux esprits conservateurs et peu informés, la vie des familles a considérablement changé durant ces dernières décennies : pourcentage des séparations parentales élevé et en constante augmentation, familles monoparentales très fréquentes, enfants contraints de se partager entre deux « foyers », souvent « recomposés » et éloignés, et subissant les péripéties des conflits conjugaux judiciarisés, etc. Ce ne sont là que quelques aspects visibles d’une évolution sociétale de la vie des familles.
Bien sûr, on peut s’accrocher désespérément aux vieux modèles, en les idéalisant le plus souvent, de la famille d’autrefois. On peut alors refuser les évolutions juridiques et sociales de reconnaissance de couples parentaux « différents », de même que l’on peut ne pas vouloir apprécier les progrès scientifiques et médicaux pour de nouvelles formes de procréation des femmes et des hommes qui en exprimeraient le désir légitime.
Mais on peut aussi considérer que le rôle primordial de nos instances politiques, juridiques, sociales et éducatives devrait être de se doter de tous les moyens possibles pour améliorer la vie des familles – quelles qu’elles soient – y compris dans leurs étapes conflictuelles, de même que celle des enfants, à tous âges, pour leur développement affectif et social le plus harmonieux possible. Car la vie des enfants a elle même beaucoup changé, nous semble-t-il, ces derniers temps, et ceci est peut-être la conséquence de cela, notamment dans leurs manifestations de méfiance et de retrait par rapport aux adultes. Leur manière de se réfugier dans des modes de communication virtuelle peut être vue comme la conséquence d’un vécu familial conflictuel et insécurisant. Même si les progrès technologiques dont ils sont en partie les bénéficiaires peuvent aussi, bien sûr, leur être très favorables à certains égards.
De toute façon, si la vie des enfants, et des familles en général a beaucoup changé, cela ne va sûrement pas s’arrêter là, quelles que soient les manifestations privées ou publiques des esprits chagrins et rétrogrades. Alors, il convient d’accompagner ces changements, dans un souci de protection, de sécurité et de solidarité vis-à-vis des hommes et des femmes en position parentale, mais aussi des enfants et adolescents d’aujourd’hui qui seront les référents parentaux de demain.
Francis Moreau (psychologue clinicien), blog Famille sens dessus dessous (publié sur le site : https://www.lemonde.fr/blog/famille/2016/10/18/quelles-familles-pour-demain/), octobre 2016
L'importance des liens familiaux
La famille, que l'on dit déstabilisée, reste pour sa part le lieu de l'entraide et de la solidarité intergénérationnelle. Un véritable rempart contre l'exclusion (…). Les échanges (…) sont devenus importants avec l'allongement de la vie. Ils se traduisent par des rencontres, par une solidarité effective devant les difficultés de la vie, mais aussi par un soutien matériel (…). Ces relations ont un rôle essentiel, dicté par « l'esprit de famille », c'est-à-dire une façon d'être entre soi, qui conforte liens continuité, tout en ménageant l'autonomie de chacun.
(…) D'une manière générale, la famille reste une valeur forte, et même le « pilier des identités », pour reprendre le titre d'une enquête de l'Insee réalisée en 2003. A la question « Qu'est-ce qui permet le mieux de dire qui vous êtes ? », les 3/4 des personnes citent leur famille en premier, loin devant le métier ou les amis.
L. Baune, « Le lien social, ciment du vivre ensemble », Alternatives économiques, septembre 2007
Les solidarités familiales
(…). Près de 9 personnes sur 10 ont, au cours des 12 derniers mois, bénéficié d'une aide en provenance de leur famille (…).
61% ont été soutenus moralement par téléphone, 60% ont été réconfortés par la présence d'un proche ; 37% ont été aidés pour du bricolage, 24% Pour une garde d'enfants, 14% pour des tâches ménagères, 14% pour des démarches administratives ; 13% ont reçu de l'argent, 12% ont bénéficié d'un prêt, 15% ont reçu une participation financière pour leurs achats et 5% ont perçu un héritage par anticipation. La diversité et la fréquence des aides est telle que 78% de nos concitoyens savent qu'en cas de difficultés financières, ils pourraient compter sur l'un des membres de leur famille.
R. Bigot, « Une famille solidaire. Résultats du baromètre de solidarité familiale en France », Consommation et modes de vie, Credoc, numéro 200, février 2007
Les mutations de la famille : des risques d'isolement ?
La famille est de moins en moins une institution normée et peut prendre différentes formes : traditionnelle, monoparentale, recomposée, homoparentale… ; les modèles sont désormais multiples. Elle repose dorénavant sur le libre choix, celui de deux individus de se mettre ou non en couple. Le lien qui les unit peut donc se rompre à tout moment, dès que l'amour disparaît, d'autant plus aisément que les femmes ont acquis dans leur grand majorité leur autonomie financière. Rester ensemble ne va plus de soi. Alors que l'on dénombrait moins de 10 divorces pour 100 mariages en 1960, ils dépassent les 40 aujourd'hui.
Les remous qui agitent la famille moderne accroissent donc les risques d'isolement. La tailledes ménages s'étant réduite, conséquence non seulement des séparations, mais aussi du plus petit nombre d'enfants, il en résulte une baisse mécanique du nombre de personnes avec lesquelles l'individu a des liens familiaux.
L. Baune, « Le lien social, ciment du vivre-ensemble », Alternatives économiques, septembre 2007