Des espaces ruraux fragmentés
THEME 3 : LES ESPACES RURAUX : MULTIFONCTIONNALITE OU FRAGMENTATION ?

Chapitre 5 : Les espaces ruraux dans le monde : entre multifonctionnalité et fragmentation?
1) A l’aide des documents proposés, identifiez différents types d’espaces ruraux. Pour chacune des catégories identifiées, caractérisez les éléments suivants :
- Le rapport à l’espace urbain
- Le poids de l’activité agricole
- La forme dominante d’activité agricole
- Le niveau social des populations
- Le niveau économique des populations
- Les principales caractéristiques paysagères
- Un ou deux exemples d'espaces ruraux correspondant à la catégorie identifiée
2) En quoi les documents proposés permettent-ils d’affirmer que les mondes agricoles sont eux-mêmes particulièrement fragmentés ?
Des espaces ruraux contrastés à toutes les échelles.
Le rythme, l'ampleur et la nature des mutations sont très différents d'un espace rural à l'autre. Chacun fait face à des défis très différents. A l'échelle mondiale, les contrastes sont forts entre espaces ruraux développés et multifonctionnels des pays développés et espaces ruraux des pays en développement, dans lesquels les "petites" agricultures peu productives restent prépondérantes. Mas les lignes de division ne se résument pas à cette opposition, et traversent les espaces ruraux à des échelles régionales et locales. Les inégalités sont fortes entre les espaces ruraux qui doivent gérer une baisse démographique, ceux qui connaissent une "renaissance rurale" et ceux qui, en Inde ou en Afrique, atteignent des niveaux records de densité. Les inégalités apparaissent également très fortes entre les niveaux d'équipement, de richesse, les taux de pauvreté. Face à cela, l'enjeu des politiques d'aménagement de développement rural et de lutter contre les inégalités et d'accompagner les mutations des sociétés et espaces ruraux.
Gonin et C. Quéva, Géographie des espaces ruraux, 2018
Définir l'espace rural aux Pays-Bas
« Bien que, depuis des siècles, les Pays-Bas [aient] la réputation d'être un des pays les plus urbanisés, l'image qui règne à l'étranger est formée en grande partie de représentations rurales et surtout agricoles : les moulins à vent, les sabots, les tulipes et le fromage. […] Mais existe-t-il aux Pays-Bas des régions qui peuvent être qualifiées de rurales ?
Aucune des 12 provinces des Pays-Bas n'a une densité de population inférieure à 150 habitants au km². […] Ni les caractéristiques structurelles économiques (l'importance de l'agriculture) ni les différences socioculturelles ne nous permettent de faire une distinction nette entre les régions rurales et les régions urbanisées aux Pays-Bas. […]
De plus la pression urbaine pose problème aux régions rurales des Pays-Bas. Avec un peu d'imagination, on peut considérer la campagne des Pays-Bas comme un “jardin d'expérience” pour les régions urbanisées. […]
Depuis les années soixante, la politique de l'aménagement du territoire a attribué aux régions rurales des fonctions nouvelles : l'attention est portée sur l'agriculture, mais aussi sur la nature et le paysage, le secteur des loisirs, les terrains d'entraînement militaire et l'habitat. […] Les régions rurales des Pays-Bas, hier autonomes et surtout agricoles, sont devenues plurielles. »
Frank van Dam et Paulus P. P. Huigen, « L'espace rural aux Pays-Bas : un changement fondamental », Hommes et Terres du Nord, 1997/2.
Des espaces ruraux de plus en plus attractifs
 
La « greentification » ou gentrification rurale
Dans les années 1960, Raymond Edward Pahl observe les conséquences socio-économiques liées à l’implantation des middle classes et les polarisations sociales dont elles sont à l’origine. À cette période en effet, les classes moyennes urbaines quittent les villes pour s’installer dans des communes périphériques ou rurales, attirées par le cadre de vie social et environnemental. […] Dans les années 1990, Martin Phillips approfondit le concept, évoquant entre autres une « colonisation » des campagnes de la part des classes moyennes et supérieures. Il décrit comment ces populations n’ont pas seulement recomposé socialement les espaces ruraux, mais les ont également façonnées à leur image, entraînant des évolutions foncières, paysagères et esthétiques : les plans d’urbanisme sont plus stricts, les paysages entretenus, les maisons sont rénovées, les jardins « embellis ».
Plus de cinquante ans après le début de ce processus, les campagnes anglaises, notamment celles où la gentrification est plus intense, sont ainsi profondément liées à l’identité des classes moyennes et supérieures, et correspondent à un rural idyll, un imaginaire rural composé de valeurs, d’ambiances, de pratiques sociales et spatiales. Cela a entraîné des effets pervers : l’investissement de ces territoires par les nouvelles populations et les restrictions en termes d’urbanisme ont entraîné une hausse des prix fonciers et immobiliers, qui rend les campagnes quasiment inaccessibles aux working classes (classes populaires) ou aux populations plus modestes, qui n’ont plus les moyens d’y rester ou de s’y installer. Au‑delà de la dimension économique, l’exclusion se joue également sur le plan symbolique : certains groupes sociaux ne partageant pas les valeurs ou pratiques désormais légitimes et dominantes, la perception d’un territoire « qui n’est pas fait pour eux » contribue ainsi à leur marginalisation.

Greta Tommasi, « La gentrification rurale, un regard critique sur les évolutions des campagnes françaises », Géoconfluences, 2018

Les enjeux périurbains dans les pays en voie de développement.
Les territoires périurbains des pays en voie de développement sont des lieux qui focalisent des enjeux de plus en plus cruciaux (...). Les périphéries urbaines concentrent une proportion croissante de la population et de l'activité économique (...). Cette évolution est indissociable de l'urbanisation massive de notre planète, où le peuplement dispersé en villages s'efface progressivement au profit d'un peuplement concentré dans des zones urbaines. Cette "transition urbaine" s'est fortement accélérée depuis la fin du XXème siècle. Sur un plan plus qualitatif, l'importance stratégique des territoires périurbains tient aussi au fait que la croissance rapide de ces espaces engendre des difficultés inédites pour les politiques publiques et l'exercice du pouvoir. En effet, les modèles de développement (...) ville-campagne n'y sont pas opérants car les territoires périurbains ne sont plus des campagnes, mais ils ne sont pas non plus des villes au sens habituel du terme (...). Cette situation est particulièrement problématique en Afrique centrale (...). Conjuguée à une croissance démographique soutenue et à une pression extrême sur les ressources, l'inadaptation des modes de gouvernance généralement pratiqués dans les contextes périurbains des pays du Sud conduit à de multiples formes de conflits et de dégradations environnementales.
Territoires périurbains : développement, enjeux et perspectives dans les pays du Sud, orbi.uliege.be
L'étalement urbain à Calcutta (Inde)
 

Une nouvelle ruralité dans les pays du Sud

Bien souvent, les campagnes les plus prospères sont les mieux reliées aux centres urbains et sont situées dans les régions les plus urbanisées. La multiplication des échanges entraine une « urbanisation » des campagnes qui se voit dans le changement des mentalités et dans les paysages ; c’est le cas dans l’habitat en Afrique subsaharienne avec l’évolution des matériaux (murs en ciment, toits en tôle) et des formes des bâtiments ou dans les vêtements (maillots à l’effigie des stars du foot portés par les garçons…).
La multiplication des échanges, l’urbanisation des espaces ruraux, la dilatation des villes et parfois une certaine ruralisation amènent à analyser les relations villes-campagnes moins en termes de coupures spatiales ou fonctionnelles qu’en termes de continuum des sociétés, des espaces et des territoires.De même, les phénomènes de migrations pendulaires, de déplacement des entreprises autour des métropoles comme Mexico, Le Caire et autour de beaucoup de grandes villes d’Asie du Sud-Est, entrainement la construction d’espaces intermédiaires ni totalement ruraux ni franchement urbains, dont les desakota (1) en Asie du Sud-Est fournissent un bon exemple.
D’après J.L. Chaléard et T. Sanjuan, Géographie du développement. Territoires et mondialisation dans les Sud, Editions A. Colin, 2017
(1) Desakota : formes de peuplement propre à l’Asie qui ont pour caractéristiques une mixité des activités agricoles et non-agricoles et une forte mobilité des populations
Le développement du land grabbing (ou accaparement des terres)


Plantation de palmiers à huile à Sulawesi du Sud (ile des Célèbes en Indonésie)
Plusieurs millions d'hectares de terres sont vendus ou loués à des firmes agroalimentaires étrangères (palmier à huile, canne à sucre) dans le cadre de l'accaparement des terres (land grabbing). Au total, 25 millions d'hectares de forêt ont disparu, dont 7,5 millions pour la production agricole.
Un feedlot, un élevage intensif aux Etats-Unis
A Lubbock (Texas), le feedlot s'est installé pour les conditions climatiques favorables en hiver, mais aussi pour avoir une superficie suffisante pour faire engraisser 50 000 bovins et stocker leur alimentation. En été, chaque enclos est équipé d'un ou d'eux brumisateurs d'eau pour la poussière et la chaleur excessive.
 
Le Kenya : Deux mondes agricoles

Production de roses au Kenya destinées à l'exportation
Le Kenya fournit un tiers des fleurs du marché européen et en tire 600 millions de dollars par an, presque autant que le tourisme (820 millions). Concentrée autour du lac Naivasha, bien connectée à l'aéroport de Nairobi, la production de fleurs a favorisé le développement de filières amont pour les intrants et aval pour la commercialisation.

Agriculture vivrière au Kenya
L'agriculture vivrière extensive (maïs, riz, sorgho, pommes de terre, manioc...) peine à nourrir la population locale. Elle repose sur le modèle familial et l'augmentation des surfaces cultivées : cependant ses rendements sont faibles, ils n'ont augmenté que de 1,2% depuis 2000.