Si Giono, conteur de Regain (1930), passait aujourd’hui par le Gard, entre Anduze et Le Vigan, sans doute en serait-il nouvellement inspiré. […] Les Cévennes ont été données pour mortes, dans les années 1970, alors qu’un long siècle de déprise se soldait par un effondrement démographique presque total. Patrick Cabanel (1) donne toute la mesure de cette mort annoncée, en quelques pages qui font écho – nombreux chiffres à l’appui – à ce livre terrible de Jean-Pierre Chabrol, Le Crève‑Cévenne, publié en 1972.
« Au recensement de 1975, l’étiage est atteint dans les Cévennes, écrit l’historien, le désert est proche, avec l’abandon, les ruines, les friches. Le bâti se défait, des hameaux entiers sont délaissés, outre d’innombrables fermes isolées, le paysage se transforme en profondeur : les terrasses et les prés s’embroussaillent, le châtaignier recule face aux résineux. » Mais un « miracle » a eu lieu. Car, dès le début des années 1980, le regain des Cévennes a la puissance d’une renaissance : « Du recensement de 1975 à celui de 2009, le canton d’Anduze a gagné 5 158 habitants, soit une progression de 70 % en une trentaine d’années ; […] la Cévenne rurale et de piémont a progressé de 3 210 habitants, soit + 15,8 %… »
Au-delà des chiffres, l’ouvrage publié par Alcide, éditeur nîmois lui-même représentatif de cette renaissance qui est aussi culturelle, démontre que ce regain est d’une qualité particulière : densité surprenante de librairies, comme au Vigan (où le libraire est aussi le maire charismatique), à Anduze, à Saint‑Hippolyte‑du‑Fort ; multiplication de sites internet, de manifestations culturelles, de conférences, de musées, d’associations, d’artisans et de « paysans » bio…
Antoine Peillon, « La “renaissance” des Cévennes », La Croix, 9 avril 2015